Entre emploi du temps chargé et vilaine grippe qui continue de s’accrocher à mes basques, j’ai bien cru laisser passer l’occasion de souhaiter mes vœux aux quelques lecteurs et lectrices qui continuent de m’honorer de leur présence. Ce blog devrait pouvoir fêter ses 17 ans et j’aimerais y être plus assidu, mais j’avoue avoir beaucoup de mal à dégager le temps nécessaire. On verra ce qu’il sera possible de faire en 2024 et on commencera l’année en regardant peu ou prou 20 ans en arrière. Ce top 2003 fait la part belle à quelques-uns de mes artistes marottes, de celles et ceux qui ne décevaient alors quasiment jamais (Cat Power, Radiohead, Murat, les frères Head) et on y retrouve ainsi de nombreux noms déjà croisés dans les tops antérieurs. Figurent aussi dans cette sélection 2 petits nouveaux amenés à une brillante carrière (Kills et Sufjan Stevens), une comète vibrionnante (The Rapture) et un groupe peu estimé finissant par renverser mes préventions (Blur). Toujours trop peu de filles même si c’est une qui domine le classement. Et les Anglo-saxons se taillent comme de juste la part du lion, le seul Murat venant représenter la musique d’ici. On n’oubliera pas un mot pour les recalés les plus valeureux de ce top, du Coral fang des Distillers au 2e album de The Coral. Et on vous souhaitera une dernière fois une excellente année, que surtout, la musique soit bonne.
Avec de disque d’une délicatesse sans nom, les frères Head démontraient, 20 ans après le brasier pop des Pale Fountains, qu’ils demeuraient d’incroyables créateurs de beauté et des songwriters aux mains d’or. Les douze chansons de l’album musardent le long de leurs inépuisables influences, Byrds et Love, Beatles et bossa-nova, pour une merveille de disque gris-bleu dans laquelle on se drapera comme sous une couverture.
Pour moi qui n’ai jamais été blurophile, Think tank demeure le disque qui m’a permis de reconnaître davantage le talent de Damon Albarn en même temps qu’il reste, d’assez loin, mon album préféré du groupe. Disque humble, ouvert et charnel, Think tank mêle un classicisme mélodique de haute volée à une inventivité sonore bluffante. Et aligne les titres les plus émouvants des ex-têtes de gondole de la Britpop, comme les intouchables Good song, Sad song ou Out of time.
Disque de la révélation aux yeux du grand public - Seven nation army en bandoulière - , Elephant confirmait aussi la constance dans l’excellence du duo de Detroit. Signé sur une major, le groupe dispose de moyens inédits et en profite pour déployer toutes les facettes de ses possibilités : vignettes bucoliques, garage-rock furibard, hard-rock bouillant… Le groupe évite l’écueil du délayage et apparaît au contraire plus concentré, plus puissant, plus imposant. Il laisse peut-être un peu de son charme naïf derrière lui mais le résultat s’avère plus que réussi.
Double album gargantuesque, Lilith demeure l’un des plus brûlants faits d’armes d’un Murat qu’on n’avait vu aussi résolu à en découdre, le cheveu en bataille et l’oeil mauvais. Le disque réussit à rester passionnant quasiment de bout en bout, défourraillant avec autant de prestance ballades précieuses et folk électrique à la Neil Young. Un disque de feu et d’éboulis, qui nous rend à chaque écoute plus vive l’absence de l’Auvergnat.
Plus classique que son célébré précédesseur, Sumday reste pour moi un disque doudou, le grand album bleu d’un grand mélancolique qui pose un regard émerveillé et effrayé sur la rude beauté du monde. Rempli de mélodies à fendre le plus sec des coeurs de pierre, Jason Lytle nous offre ses chansons comme autant de plaids sous lesquels s’envelopper pour nous consoler, nous réchauffer, simplement faire une pause.
En s’appuyant sur une percutante économie de moyens (guitares, voix, boîte à rythmes), les Kills réveillent l’esprit frappeur du rock avec cet assemblage électrisant de chansons à la sensualité malingre, au sex-appeal charbonneux. Cohérent et sauvage, ce premier album respire la cigarette, le cuir et l’alcool fort et laisse derrière lui une traînée de poudre toujours aussi inflammable aujourd’hui.
Avec ce premier album chaotique et roboratif, qui invite le post-punk à danser furieusement sous un ensemble de stroboscopes blafards, les New-yorkais livraient un imparable coup de maître, mêlant dans son chaudron fumant 25 ans de musique alternative. Aussi puissantes que mal peignées, classieuses que débraillées, ces chansons au goût d’électrochoc vous donneront une appétence jamais honteuse pour la secousse et la décharge. Un exutoire.
Autocitation de mon billet du 22/03/2014 : « A la fois chant panthéiste visité par Dieu lui-même et chronique intime d’un État aux mille tensions frappé de plein fouet par la désindustrialisation, Michigan dresse aussi le portrait d’un musicien multiple, lui aussi en proie à des interrogations existentielles, amoureuses ou mystiques. Le tout est encore rendu plus fascinant par la voix unique de Stevens, ce chant doux et ébréché, tantôt agissant comme un baume ou une consolation, tantôt se fissurant pour laisser entrevoir une bouleversante fragilité – la sienne ou la nôtre ? les deux sans doute. »
Deux ans après l’enchaînement Kid A/Amnesiac, le groupe d’Oxford poursuivait sa trajectoire d’excellence avec ce disque (une fois de plus) impressionnant. Moins aventureux en apparence que ses turbulents aînés jumeaux, Hail to the thief affiche une forme d’équilibre miraculeux, le groupe continuant à pétrir la matière sonore tout en revenant à un format plus classique dans ses compositions. Le rock demeure pour Radiohead un terrain de jeu grand ouvert, aussi organique que cérébral, où la beauté naît du fracas du monde, une fleur cueillie à l’aube le long d’un paysage désolé.
Sommet indépassable du parcours chahuté de Chan Marshall, You are free est un de ces disques qu’on chérit comme des secrets. D’une simplicité désarmante, You are free force au silence et à la justesse, dans un mélange de retenue et de douceur d’une beauté à couper le souffle. Icône réticente du spectacle pop, Chan Marshall s’en allait jouer seule sous les arbres, nous laissant seuls avec sa musique, avec nos failles et nos espoirs, nos doutes et nos douleurs. On n’en est toujours pas revenus.