Top chef
Jack White Blunderbuss (2012, Third Man Records / XL Recordings)
Avant de causer du dernier opus en date du sieur Jack White, permettez-moi de me plier un instant à la tradition en souhaitant à tous mes lecteurs, les réguliers comme les occasionnels, une excellente année 2013, que j’espère emplie de bonheur et de musique, l’un n’allant me semble-t-il pas sans l’autre. Puisse ma modeste contribution vous faire découvrir et apprécier des artistes, des disques ou des chansons qui participeront de vos joies et plaisirs quotidiens.
On commencera 2013 de façon revigorante avec ce Blunderbuss roboratif de l’excellent Jack White. J’avoue que le monsieur était quelque peu sorti de mon paysage ces derniers temps, sans pour autant naviguer totalement hors de ma vue. Il faut dire aussi qu’il n’est pas forcément aisé d’arriver à suivre les mille projets de cet incurable hyperactif, enquillant les groupes et les productions avec une énergie apparemment inépuisable. Alors, j’avais bien jeté une oreille au premier album des Raconteurs (son super-groupe avec Brendan Benson), Broken boy soldier et au premier album des Dead Weather (son super-groupe avec Alison Mosshart des Kills), Horehound, mais pour appréciables que ces disques pouvaient être, je n’y retrouvais que trop rarement les cimes extatiques des meilleurs moments des White Stripes, lesquels s’étaient d’ailleurs séparés sur un album mi-figue mi-raisin avec cet Icky thump de 2007.
Spike heels make a hole in a life boat / Drifting away when I’m talking and laughing as we float / I hear her whistle, that’s how I know she’s home / Lipstick, eyelash, broke mirror, broken home. (Sixteen saltines)
Ce Blunderbuss démontre donc à mes yeux que le bouillant Jack White a bien conservé ses secrets de chef et qu’il sait encore servir à sa table la plus explosive des cuisines. Pour ce faire, Jack White use des ingrédients qui faisaient tout le sel des White Stripes et qui constituent les mets de base de toute sa discographie : du blues, une louche de metal, quelques pincées de pop, une lampée de country, un peu de rockabilly et un trait d’esprit punk pour lier le tout. Que du classique a priori donc mais c’est comme toujours la façon d’amalgamer le tout qui rend le plat unique. Et c’est un Jack White en forme olympique qui nous offre ici un lot emballant de morceaux de choix.
I want love to / Murder my own mother and / Take her off to somewhere like / Hell or up above (Love interruption)
L’introductif Missing pieces donne le ton du disque, à la fois agile et batailleur, avec cette ouverture au piano Rhodes qui annonce la place centrale occupée par les claviers tout du long de l’album. Ce sont eux qui relèvent de soul l’humeur générale du disque et ce sont eux qui alimentent la combustion de quelques-uns des titres les plus impressionnants de Blunderbuss, du fiévreux Love interruption au formidable Weep themselves to sleep qui trône au cœur de l’album. On retrouve aussi des morceaux qui n’auraient pas dépareillé dans la discographie des White Stripes comme le fulgurant Sixteen saltines. Ailleurs, Jack White se drape dans les tentures d’une ballade country haut de gamme (Blunderbuss) ou prend possession d’un rockabilly démoniaque (I’m shakin). Impossible de ne pas mentionner également le majestueux Hypocritical kiss qui sonne comme un inédit de Gene Clark ou l’imparable Freedom at 21 qui semble remettre à jour le riff immortel de Seven nation army.
I guess I should go to sleep / Too hard standing on my own two feet / Been walking too long / On a dead end street (I guess I should go to sleep)
Jack White confirme donc qu’il demeure une figure cruciale sur la scène actuelle et je suis d’ailleurs étonné d’avoir assez peu vu mentionné ce disque dans les différents bilans de fin d’année publiés à foison dans les blogs musicaux. J’avoue ne pas avoir écouté énormément d’albums parus en 2012 mais en trouver une trentaine de cet acabit serait à mon sens la preuve d’un millésime d’exception. On notera que M. White a conservé l’esprit ludique et conceptuel qui régissait l’iconographie des White Stripes (le code couleur notamment) puisque durant sa tournée ayant suivi Blunderbuss le bonhomme s’accompagnait chaque soir alternativement d’un groupe de filles et d’un groupe de mecs. On en verra l’illustration en une seule soirée lors du concert privé donné à Canal + et visionnable ici.