Je vous propose ce soir un nouvel épisode de mes tops albums annuels avec un millésime 1998 lui aussi de très grand cru. J’ai franchement eu beaucoup de mal à départager les membres du top 5 de ce classement et l’ordre aurait pu sans problème être chamboulé sans que je me trahisse. 1998 regorge de disques formidables. Britanniques et états-uniens se retrouvent à parts égales, un Canadien et, pour une fois, un Français viennent compléter un classement pour le coup très masculin. Le banc des remplaçants est lui aussi bien fourni, avec nombre d’albums remarquables – Up de R.E.M., Celebrity skin de Hole, Mutations de Beck ou le premier album de Black Box Recorder – et j’aurai une pensée particulière pour le trop méconnu Telegraph de Richard Davies qui aurait mérité un strapontin (mais vous pouvez vous reporter à mon billet). Bref, il y a 25 ans, la musique était bonne, bonne, bonne (désolé) et ces disques n’ont évidemment pas pris une ride. Vous pouvez aussi partager votre choix en commentaires. Un titre de chaque album est disponible en cliquant sur le titre de chaque album dans le diaporama.
Après avoir touché une gloire tant désirée en se retrouvant propulsé figure de proue d’une brit-pop qui n’en méritait pas tant, Jarvis Cocker se réveillait en sursaut et s’en allait froisser ce joli scénario. Le bonhomme livrait du même coup un immense disque malade, exhibant ses fêlures avec une flamboyance vertigineuse, à la manière des meilleurs moments d’un Bowie dont le groupe n’a ici jamais semblé aussi proche.
Mark Linkous aka Sparklehorse franchissait sans coup férir l’obstacle souvent redouté du deuxième album avec ce Good morning spider qui creusait encore davantage le filon en or massif de son premier LP. Rustique et savante, pastorale et tourmentée, rêveuse et intimiste, la musique de Mark Linkous est tout cela à la fois, et bien plus encore, affichant une profondeur de champ peu commune dont on n’a pas fini de célébrer la beauté.
Il fallait bien Portishead pour briser mon peu d’inclination pour les disques live. Accompagné d’un orchestre de 35 musiciens, le groupe s’offre une instrumentation à la mesure de ses fantasmes pour renforcer encore les ambiances savamment échafaudées en studio. Le résultat est un formidable disque trouble et tendu, inquiet et rageur, où la douceur et la beauté côtoient d’insondables vertiges.
Le groupe originaire de Buffalo, NY, abandonne derrière lui les guitares bruitistes de ses précédents opus pour laisser libre cours à ses visions d’une musique panoramique baignant dans une sorte d’éther, quelque part entre Pink Floyd, Neil Young et les bandes-sons des films Disney. Voguant dans une zone frontière entre deux mondes, où la joie pure côtoie la détresse la plus abyssale, ces chansons scintillantes déposeront sur vos coeurs énamourés comme une trace argentée, marque brillante de leur passage.
Sept ans après l’apothéose époustouflante atteinte avec Talk Talk sur Laughing stock , Mark Hollis revenait l’air de rien, livrant dans un dépouillement monacal un des plus beaux disques qui soit. Les expérimentations sonores de Talk Talk cèdent la place à une instrumentation essentiellement acoustique qui semble s’évertuer à faire le moins de bruit possible, comme si Hollis voulait laisser derrière lui une dernière trace de beauté avant de disparaître. C’est peu ou prou ce qu’il fera.
Doté de moyens à la hauteur de son immense talent suite au succès de la BO de Will Hunting, Elliott Smith lâche véritablement la bonde d’un torrent mélodique dont il ne nous avait, en fait, donné à voir qu’un aperçu (et quel aperçu!). Sur XO, les chansons dévalent comme des cascades, les voix et les harmonies s’entremêlent sous le haut patronage des Beach Boys, des Byrds et des Beatles et Smith se montre à la hauteur de ces illustres maîtres. D’une richesse inépuisable, XO est un disque véritablement sublime, au sens propre du terme, qui transforme en élevant. On ne saurait mieux dire.
Fils d’un couple de chanteurs folk reconnus, le jeune Rufus Wainwright déboulait en 1998 avec ce disque d’une maturité folle, donnant corps à ses fantasmes de music-hall, de cabaret et de pop grand angle. Compositions haut de gamme, instrumentation au diapason, voix époustouflante, le Canadien réussissait un premier album d’une classe insensée et d’un niveau tout bonnement sensationnel. 25 ans après, il n’a pas fait mieux mais on ne lui en voudra pas.
Après la révélation tourmentée de What would the community think, Cat Power livrait ce disque merveilleux, plein de fantômes et de colères rentrées, d’une douceur sans égale. Fort et fragile à la fois, Moon pix est un chef-d’oeuvre qui, l’espace d’un instant, met le monde à nu pour en révéler les beautés et les failles, et pointer les nôtres du même coup.
Né d’une période particulièrement troublée de la vie personnelle de son auteur, Fantaisie militaire est un formidable exemple de comment ordonner le chaos du monde pour en tirer de la beauté. Au final, Bashung livrait ici un des plus grands disques de musique en français, grand œuvre protéiforme, tour à tour classieux et accidenté, rugueux et fragile, aventureux mais jamais abscons. Un aboutissement, une libération, bref, un fantastique album.
Les années 1990 ont vu la musique de Massive Attack progressivement se refroidir depuis la sensualité troublante de l’insurpassable Blue lines de 1991. Sept ans après, le groupe de Bristol trempait son trip-hop dans l’acier en fusion du post-punk et donnait naissance à une musique à la lenteur pénétrante comme une lame, coulée de lave froide au noyau fumant, au somnambulisme hypnotique. La beauté a la paleur des spectres (et de la voix de Liz Fraser) et la mezzanine conduit vers un étage mystérieux et inquiétant, dont on ne redescendra jamais vraiment.