A fleur de peau
Kristin Hersh Hips and makers (1994, Sire / Reprise)
Kristin Hersh… Hips and makers… 20 ans déjà… Le vingtième anniversaire de la sortie de ce disque malade constitue l’occasion idéale de reparler de son inconfortable beauté mais à vrai dire, ces chansons n’ont jamais vraiment cessé de régulièrement me hanter depuis leur première écoute – un peu après 1994 pour le coup.
If I walk down this hallway / Tonight, it’s too quiet / So I pad through the dark / And call you on the phone / Push your old numbers / And let your house ring / Till I wake your ghost
Your ghost
Pour parler de Kristin Hersh, il faudrait sans doute que je parle d’abord des Throwing Muses mais ma connaissance du groupe – aujourd’hui objet de culte chez les amateurs de pop indé – formé par Kristin Hersh durant les années 1980 demeure bien superficielle. Et bien que la dame officie depuis maintenant plus de 30 ans, Kristin Hersh se résume encore pour moi à Hips and makers.
You can come back / When you want / Just know that I’ll be here / I haven’t left this step / And when the lights go out / I pick the angel up / I only have two hands
Me and my charms
Après la parution du cinquième album des Muses, Red heaven (1992), Kristin Hersh décide de placer le groupe – alors à bout de souffle – entre parenthèses pour enregistrer une dizaine de compositions essentiellement acoustiques jugées inadaptées au répertoire du groupe. Déjà atteinte de troubles bipolaires depuis le début de sa carrière musicale, Kristin Hersh traverse alors une période particulièrement difficile dans sa vie privée, sortant notamment d’un divorce lui ayant coûté la garde son enfant. C’est peu dire que Hips and makers porte en lui toutes les turbulences vécues par son auteure et se révèle une impressionnante plongé en apnée dans ses tempêtes intimes.
Don’t forget that I’m living inside / The space where walls and floor meet / There’s a box inside my chest / An animal stuffed with my frustration / Can you hear me ?
The letter
De Kristin Hersh, l’un de ses grands admirateurs, Thom Yorke, disait : “J’aime le fait qu’elle mette toute sa merde dans ses chansons, pour que celle-ci n’empoisonne pas sa vie”. C’est effectivement cette impudeur qui bouleverse ici, mais sans que jamais celle-ci ne tombe dans la vulgarité exhibitionniste. Jouées à la guitare acoustique, parfois surlignées d’un trait de violoncelle ou d’un piano, ces chansons nues sont absolument poignantes et souvent dérangeantes. On y voit une femme lutter contre ses tourments, fermer portes et fenêtres pour encaisser le poids du monde et en tirer une imposante beauté crue. Le chant de Kristin Hersh confère à l’ensemble un surcroît d’émotion, entre complainte et supplique, entre colère et reddition. Dès l’introductif Your ghost, Kristin Hersh nous fait pénétrer dans une somptueuse mais glaciale maison hantée (par la voix de Michael Stipe) dans laquelle elle déambule à la recherche de ses fantômes. Beestung ressemble à une comptine dérangée caressée au piano tandis que le bouleversant Houdini blues laisse percer de brûlantes confessions : “Don’t you put me in that box / You know what you can do with those locks”. On retiendra aussi le poignant Me and my charms, supplique douloureuse balancée à la face d’un amour évanoui et cet extraordinaire et terrifiant The letter, immense chanson folk possédée décapitée en un peu plus de deux minutes, exécutée les yeux remplis de larmes et de colère. Hersh avouera d’ailleurs par la suite que ce morceau, mise en musique d’une lettre qu’elle rédigea plus jeune, était resté longtemps dans ses tiroirs, la jeune femme ne pouvant le jouer sans vomir. Après ce climax vibrant, l’album s’éteint peu à peu comme la flamme d’une bougie, apaisé peut-être ou défait.
Oh Bess, I swear I’ll call / When I’m free from me / We should all be free
Houdini blues
Album sur le fil du rasoir, flirtant avec le pathos sans jamais y sombrer, le disque trouve sa place dans une lignée noble et dépressive ayant miné le rock américain des années 1990, de Red House Painters à Palace en passant par Smog et Vic Chesnutt – dont Kristin Hersh était d’ailleurs très proche. Comme je l’indiquais plus haut, je n’ai jamais écouté d’autre disque solo de la dame, sans trop savoir pourquoi. Aujourd’hui âgée de 48 ans, Kristin Hersh a pourtant depuis aligné une dizaine d’albums en solo, quatre disques des Throwing Muses (le dernier l’an dernier) et d’autres expériences discographiques.
I was never sure if the music was disease or therapy anyway.
Kristin Hersh
1 réponse
[…] formidables qui échouent à la porte de ce classement : le premier Lambchop, Bakesale de Sebadoh, Hips and makers de Kristin Hersh, Live through this de Hole, le premier Ben Harper, Cardinal ou le superbe Drunk de […]