The Divine Comedy A short album about love (1997, Setanta / Divine Comedy Records)
Il y a bien longtemps – près de cinq ans ! – que je n’avais écrit dans ces pages à propos du facétieux et génial Irlandais, l’immense Neil Hannon et son incomparable Divine Comedy. J’y reviens pourtant inlassablement, tant la musique du bonhomme demeure une compagnie précieuse depuis maintenant un bon quart de siècle.
And hey, I’m not so blind that I can’t see where we’re all going / And it’s no fault of mine if humankind reaps what it is sowing / Just as long as we are together forever / I’ll never be anything other than happy!
In pursuit of happiness
Paru quelques mois auparavant, son fantastique Casanova n’avait apparemment pas permis au sieur Hannon d’épuiser le registre amoureux. Une journée d’automne lui suffit pour enregistrer les sept chansons de ce (mini) album, accompagné d’un orchestre de trente musiciens, le tout paraissant dans les bacs pour la Saint Valentin de cette glorieuse année 1997. En pleine confiance, et visiblement galvanisé par l’excellent accueil reçu par son chef-d’œuvre aux inspirations vénitiennes, l’Irlandais donne le temps de ces quelques morceaux un aperçu magistral de son talent hors normes. Là où Casanova peinait à masquer, sous son exubérance grandiose, fêlures et frustrations, élégamment tenues en laisse par le sens de l’auto-dérision de Neil Hannon, A short album about love donne à entendre un auteur-compositeur en pleine maîtrise de son art, tenant l’orchestre au creux de sa main pour aller se frotter à ses plus prestigieuses influences, sans jamais pâlir de la comparaison.
So don’t look a horse in the mouth / Don’t let a frog get you down / Dragging you round like a dog on a lead / I’m all you need
I’m all you need
De Sinatra à Scott Walker, de Gershwin à Burt Bacharach, Neil Hannon se confronte à toutes ces illustres figures tutélaires et s’affirme une fois encore comme un maître de l’écriture pop grand format, mêlant ambition orchestrale et une forme d’innocence romantique diablement touchante. On pense souvent aux ciels vertigineux d’un Scott Walker mais, là où l’Américain impose forcément une certaine distance, drapé dans son splendide isolement de funambule tragique, Neil Hannon apparaît davantage comme l’ami sûr qui révèlerait soudainement sa part de sublime, sa grandeur poussée sur un terreau de fragilités. Le somptueux If I were you (I’d be through with me) fait ainsi s’envoler les soieries cousues autrefois par le tandem Bacharach/David pour Dionne Warwick vers de majestueux sommets, le tout en conservant une sensibilité délicate et éclatante.
So if I were you I’d make the break / Before I take my frustrations out on you / Just break on through
If I were you (I’d be through with me)
Les sept chansons alignées ici volent toutes à haute altitude, et seule la relecture du Timewatching un brin solennel figurant sur son intouchable Liberation s’avère peut-être un poil plus dispensable. Hannon soigne son entrée en scène avec l’irrésistible cavalcade de In pursuit of happiness dont le crescendo monte en chantilly onctueuse, légère, sucrée et savoureuse. Everybody knows (except you) virevolte tel une volée de moineaux dans un ciel de printemps tandis que Someone et surtout If… se jouent à la limite de l’excès de sucre mais en se gardant de sombrer dans l’indigeste. L’easy-listening d’ I’m all you need vient clore l’affaire, avec une assurance classieuse, une dose de nonsense et une souplesse de geste impressionnante.
If you were a man I would still love you / If you were a drink I’d drink my fill of you / If you were attacked I would kill for you / If your name was Jack I’d change mine to Jill for you
If
A mes yeux, A short album about love conclut un cycle impressionnant de disques magistraux, ponctués d’au moins deux chefs-d’œuvre dont l’immortel Liberation qui sidère encore à chaque écoute par sa classe hors-normes. Neil Hannon finira par se prendre un peu les pieds dans le tapis avec son album suivant, Fin de siècle (1998). L’Irlandais enchaîne depuis, splendidement hors des modes, les albums plus (Bang goes the knighthood, Absent friends) ou moins (Office politics) convaincants mais dont la qualité moyenne demeure quand même assez nettement au-dessus du tout-venant. On a toujours plaisir à recevoir de ses nouvelles.