Un plan simple
Coconut Records Davy (2009, Young Baby)
Il y aurait certainement quelques mauvaises raisons de prendre ce disque – et ce groupe – avec des pincettes. En fait de groupe, Coconut Records constitue le projet solo de Jason Schwartzman, acteur en vue notamment chez Wes Anderson, Sofia Coppola (Louis XVI dans Marie-Antoinette) ou Judd Apatow (parmi d’autres), et accessoirement cousin de la sus-nommée, donc neveu de Francis Ford C. et cousin de Nicolas Cage. Ainsi renseigné, on pourrait ne voir en Coconut Records que le simple side-project d’un héritier gâté, grattouillant quelques accords entre deux tournages et bien aidé par sa parenté pour pouvoir les enregistrer et diffuser dans de bonnes conditions. On aurait tort. La vie de musicien de Jason Schwartzman précède de quelques années les débuts de sa filmographie, le jeune homme ayant notamment exercé pendant près de dix ans (1994-2003) comme batteur du groupe Phantom Planet, avant de finalement quitter la formation pour se consacrer à sa carrière d’acteur alors en pleine ascension. Il faut croire que le démon de la musique continuait de chatouiller les pieds du jeune homme pendant son sommeil parce que dès 2006, Jason Schwartzman se lançait dans l’enregistrement d’un premier LP sous le nom de Coconut Records, Nighttiming paru en 2007. Deux ans après ce premier essai fort convenable, le bonhomme revenait avec ce Davy encore plus réussi. Et, alors qu’il aurait sans doute pu s’offrir les services de nombre de pointures, le garçon se contentait de rameuter ses copines Zooey Deschanel et Kirsten Dunst pour poser quelques chœurs, s’occupant pour sa part de jouer de la majeure partie des instruments, et de composer l’ensemble bien évidemment.
Slow down, you are out of control / One of us is right, and one of us is wrong / And, I know that you’re not coming home / There’s nowhere to park, after it gets dark, yeah
Microphone
Dès les premières notes de guitare qui ouvrent – et de quelle façon – le formidable Microphone inaugural, il paraît évident qu’on a ici affaire à un amoureux transi de la chose pop, celle à la fois classique et fantaisiste des Beatles, des Kinks, de Donovan et plus près de nous, d’un Brendan Benson. Jason Schwartzman s’attelle à trousser des miniatures pop souvent brillantes, fidèle à quelques règles du genre : goût pour les mélodies à siffloter, colorées et aériennes, les harmonies sucrées, la concision de l’expression (l’immense majorité des chansons dure moins de trois minutes et l’album est expédié en moins d’une demie-heure). Les textes – sans grande prétention – parlent d’amours contrariées, de solitude, des petits pincements au cœur qui font le sel de la pop-song. De l’ensemble émane une lumière printanière de petit matin ensoleillé, quand la clarté du jour se mêle à la fraîcheur piquante de l’air alentour et la voix nasillarde – parfois un brin entêtante – de Jason Schwartzman ajoute la pointe de vinaigre dans le miel des mélodies.
All of my days are blending into one lonely night / I keep hoping that you’re on your way over but I’m probably losing sight / Just when I started to feel good / You called me up on the phone / Askin’ how I’ve been and what am I doin‘
Wandering around
On ne criera pas au chef-d’œuvre pour autant, le disque manquant un brin de vertiges et de sensations fortes mais Jason Schwartzman s’avère suffisamment doué pour se hisser bien au-dessus du tout-venant. Le bonhomme soigne particulièrement son entrée en matière et pose en début d’album un quartet de chansons de haute volée. D’abord ce Microphone nerveux et foisonnant, sans doute le morceau qui se rapproche le plus d’une collaboration entre Brendan Benson et Elliott Smith. S’ensuit un Drummer à la fantaisie beatlesienne réjouissante (avec ces trompettes très Penny Lane), clin d’œil amusé de Schwartzman à son passé de batteur. Any fun évoque la pop multicolore du Elton John des grands jours, avec ses gouttes de piano qui frappent doucement le sol, son xylophone cristallin, ses chœurs cotonneux et sa mélodie attrape-cœurs que mon fils aimait que je lui fasse écouter en boucle quand il avait trois ans. Saint Jerome vient conclure ce carré magique, avec ses arrangements droit sortis du Ram de McCartney et dont le refrain se glisse sous nos pieds comme un tapis volant voltigeur. Et si la suite de l’album n’atteint pas les sommets de ces quatre morceaux, il reste suffisamment de belles choses en réserve au sieur Schwartzman pour qu’on laisse tourner le disque jusqu’à la fin. On mentionnera par exemple la démarche charmante et claudicante de ce Wandering around s’inspirant sans mystère du Wear your love like heaven de Donovan, ou ce The summer qui vous donnera des envies de siffloter au bord de la piscine, les yeux dardés vers le soleil couchant.
Waiting for things to come through / I don’t know lately, how about you ? / Wake me up when you get home / Crawl in bed with your telephone
The summer
Au final, on appréciera particulièrement l’humilité qui entoure ces chansons, Jason Schwartzman semblant aborder la pop-song comme le plus précieux des arts modestes, délivrant avec finesse et légèreté ses mélodies subtiles et raffinées. Peut-être trop occupé par sa carrière d’acteur, le bonhomme semble avoir mis Coconut Records en sommeil. On le retrouvera à l’affiche du prochain Wes Anderson, quand les salles pourront rouvrir.