Comédie en 10 actes
A l’occasion de ma dernière note publiée à propos de The Divine Comedy, je me suis replongé dans la discographie de l’instrument du démiurge Neil Hannon. J’ai eu envie d’en ressortir dix perles, sélection aléatoire de quelques uns des sommets d’une discographie haute en couleurs. C’est parti pour la comédie!
1. Our mutual friend (Absent friends, 2004)
S’il faut remonter à la première moitié des années 1990 pour trouver les meilleurs disques de The Divine Comedy, la meilleure chanson écrite par Neil Hannon pourrait bien être cet extrait phénoménal de l’honnête Absent friends de 2004, album rempli de bons moments mais écrasé par cette chanson prodigieuse. Hannon met en musique une histoire qui pourrait sembler grotesque (un flirt prometteur au cours d’une soirée arrosée qui vire en désillusion pour le protagoniste de la chanson) et la transcende, notamment par la grâce d’un arrangement de cordes à pleurer, rideau scintillant tombant sur la chanson pour un final inoubliable.
2. Tonight we fly (Promenade, 1994)
Chanson que l’on pourrait qualifier de classique de The Divine Comedy, jouée par Hannon à la plupart de ses concerts. Si le morceau dépeint le vol de nuit de deux amants au-dessus de la ville, il peut être interprété aussi bien comme l’atteinte d’un climax émotionnel (et sexuel) que comme une allégorie de la mort. Portée par une rythmique de cavalerie et un “riff” de violon répétitif, la chanson célèbre la vie en même temps qu’elle la voit s’écouler et c’est proprement bouleversant.
3. Lucy (Liberation, 1993)
Titre conclusif du chef-d’œuvre de Neil Hannon, Lucy représente une sorte de quintessence de la force vive qui semble jaillir à chaque minute de ce disque réellement libérateur. Le morceau est en fait la mise en musique d’une suite de poèmes de Wordsworth, exemple parfait du goût prononcé de Hannon pour les références littéraires. Ensoleillé et luxuriant, un trésor pop de premier choix dans la bijouterie de notre Irlandais bien-aimé.
4. Your daddy’s car (Liberation, 1993)
Ne pas s’étonner si Liberation se taille la part belle dans cette sélection, tant ce disque se révèle d’une excellence constante après tant d’écoutes. Entre la grâce diaphane et surannée du clavecin et l’humour noir des paroles (“We took your daddy’s car / And wrapped it round a tree / We didn’t know what for / We didn’t feel like driving anymore”), la chanson touche à un équilibre fascinant, équilibre magique qui inonde la quasi-totalité de cet immense album.
5. Victoria falls (Liberation, 1993)
Encore Liberation et encore un morceau sans collier, porté par un entrelacs de guitares acoustiques et électriques. On se contentera de reprendre ici les mots parfaitement adéquats utilisés par Gilles Tordjman dans sa critique du disque parue à l’époque dans Les Inrockuptibles : “l’évanescence et la gravité mêlées”.
6. Songs of love (Casanova, 1996)
En plein milieu de ce disque turgescent, Neil Hannon ressort le clavecin de Your daddy’s car et livre une petite chose pop parfaite, célébrant (avec mauvaise foi) la grâce du songwriter en quête de perfection au milieu d’un monde bassement préoccupé de questions charnelles. Un angelot malin traverse un paradis immaculé…
7. The booklovers (Promenade, 1994)
Hannon pousse son goût de la citation à son paroxysme avec ce titre, simple énumération de noms d’écrivains entrecoupée d’interludes drôles et subtils. La chanson se déploie surtout en spirale ascensionnelle, déployant ses cordes et ses cuivres pour se hisser à de suprêmes altitudes.
8. Through a long and sleepless night (Casanova, 1996)
Morceau à mon sens le plus représentatif de ce disque fascinant et follement ambitieux, sur lequel Hannon lâche les chevaux de son talent orchestral, au risque assumé et supporté de la démesure. Toujours à la limite du trop, il n’est en fait qu’excessif et audacieux, allant se confronter avec les quelques figures tutélaires constituant son Panthéon personnel, et s’approche ici de la grandiloquence fragile de Scott Walker – avec un soupçon d’urgence et de génie en moins quand même.
9. Queen of the south (Liberation, 1993)
Quatrième citation pour Liberation, avec ce titre mélancolique et envoûtant. “You are April, you are May / What a stupid thing to say”… Hannon semble toucher ici en quelques mots toute la douleur qu’on peut éprouver à se sentir amoureux d’une étoile, “reine du Sud”. Poignant.
10. Assume the perpendicular (Bang goes the knighthood, 2010)
Une de ces chansons pop haut de gamme qui parsèment la discographie de Hannon, pour lesquelles nombre de groupes besogneux sacrifieraient un bras et leurs mélodies sans relief. Tirée du très bon dernier album de Hannon, ce “Assume the perpendicular” aérien s’est infiltré dans mon cerveau depuis quelques semaines pour ne plus en sortir.Et je me sens léger, léger…
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