Mes années 2010 : 200-191
200. The Divine Comedy I like (2010)
Elles ne sont pas si fréquentes les chansons d’amour évoquant sans niaiserie l’amour heureux. Il fallait donc bien la classe et le talent du génial Neil Hannon pour relever le gant avec brio. Sur ce titre extrait de son excellent Bang goes the knighthood, le divin Irlandais déploie l’étendue de sa magie et de son savoir-faire le temps de trois minutes et quarante-huit secondes de pop haut de gamme, redoutable d’efficacité et de charme suranné. La rythmique cavale au coude-à-coude avec un piano aérien le long des couplets avant que le refrain ne dessine des boucles colorées au-dessus de nos têtes, l’ensemble constituant un feu d’artifice de toute beauté, à l’unisson de la pyrotechnie amoureuse qui nous habite quand le cœur bat plus fort.
199. Ariel Pink’s Haunted Graffiti Baby (2012)
J’avoue ne pas avoir beaucoup suivi les aventures discographiques du pourtant réputé Ariel Pink au cours de la décennie écoulée mais impossible de résister à cette merveille de slow à la fois poisseux et éthéré. Ariel Pink dilate et vaporise cette vieille scie de Donnie & Joe Emerson datant de 1979 pour la faire flotter comme une bulle de savon sucrée au-dessus d’un dance-floor de fin de soirée, quand ne reste sur la piste qu’un unique couple ne souhaitant rien d’autre que faire durer l’instant. Le morceau navigue entre premier et second degré (les rires, les chœurs…), entre innocence et zeste de perversité, multipliant les gimmicks accrocheurs (rires, chœurs, sifflements…) qui s’agrippent au cœur et au cerveau.
Ariel Pink’s Haunted Graffiti – Baby
198. Bertrand Belin Hypernuit (2010)
Je me permettrai sans vergogne un auto-plagiat en reprenant ce que j’écrivais sur ce morceau dans ces pages : « Bertrand Belin inscrit ce déjà classique Hypernuit, extrait de son album du même nom, dans le décor inquiétant d’une campagne sombre et mystérieuse. Là, les ombres sont hostiles, les arbres bordant les sentiers prennent des formes lugubres, les secrets sont lourds et les souvenirs accueillis un fusil à la main. Musicalement, la chanson progresse au train d’arpèges de guitare d’une grande fluidité, figurant à merveille une course éperdue dans une brume épaisse. Belin y apparaît en narrateur troublant, contant cette obscure histoire de vengeance de sa voix grave emplie d’un détachement funeste. Mais si l’ambiance est lourde, la lumière est bien présente, s’immisçant par tous les interstices ménagés par l’auteur, notamment cette voix féminine qui vient doubler le chant de Bertrand Belin à mi-parcours de cette fugue étoilée. L’occasion idéale d’éprouver un vrai frisson dans la nuit. »
197. Lorde Buzzcut season (2013)
Quelques touches de piano, un beat comme un battement de cœur puis une voix emplie tout à la fois de pureté et de lassitude, il n’en faut pas plus à la néo-zélandaise Lorde pour camper une atmosphère d’une fascinante étrangeté. Avec une remarquable économie de moyens, la jeune femme bâtit une étonnante chanson-bulle, qui flotte au-dessus du monde et évoque en peu de mots le paradoxe infini de nos univers connectés et pourtant toujours irréductiblement séparés. Les échos de la guerre n’ont pas plus de consistance qu’un hologramme, troublant à peine la quiétude des piscines d’une jeunesse dorée, tandis qu’ailleurs d’autres adolescents regardent le futur avec un émerveillement rempli d’effroi, tous sentiments mêlés qui bouleversent le chant de la jeune femme autant que nous-mêmes.
196. The Black Keys The only one (2010)
Grand disque du début de la décennie, Brothers des Black Keys mêle dans son chaudron fumant blues, rock, pop et soul avec une maestria et une efficacité de grand chef, comme le démontre ce formidable morceau. Le falsetto de Dan Auerbach glisse sur un motif de claviers aux allures de coussin d’air, conférant à la chanson un déhanché soul sexy et la flamboyance canaille d’un manège d’autos tamponneuses. On retrouvera le duo plus haut.
195. Concrete Knives Wild gun man (2012)
Avec Be your own king, ce quintet normand signé sur le prestigieux label Bella Union livrait un épatant recueil de chansons bondissantes et débridées pour faire souffler un roboratif coup de tabac sur la pop d’ici. Le disque regorge de tubes ensoleillés d’où ressort ce Wild gun man tonitruant, croisement improbable entre la fougue déchaînée des premiers Arcade Fire (sans la part de ténèbres) et la joie enfantine des Papas Fritas. Wild gun man est une merveille de chanson explosive et énergisante, sur laquelle une troupe de garnements turbulents laisse libre cours à l’exaltation de chanter et de jouer, fort et ensemble, dans l’euphorie et l’unisson.
Concrete Knives – Wild gun man
194. Girls In Hawaii Misses (2013)
Sur ce bouleversant disque de deuil et de résilience que constitue leur Everest de 2013, les Belges de Girls In Hawaii livrent sous nos yeux un combat harassant pour reprendre pied après la disparition tragique de leur batteur – et frère du leader du groupe – Denis Wielemans. Chanson caillouteuse, barbouillée de grisaille et de boue, Misses transpire la peine et la volonté farouche de ne pas y céder, l’intranquillité tenace de ceux qui n’ont d’autre choix que d’aller de l’avant.
193. Fyfe Dangerfield Let’s start again (2010)
A la grisaille de Girls In Hawaii succèdera l’éclat gonflé de vie de ce morceau extrait du premier – et toujours unique – album solo de l’ex-leader des oubliés Guillemots. Fyfe Dangerfield fait progressivement craquer toutes les coutures de cette pop-song a priori classique, dans laquelle un amoureux en peine plaide pour obtenir une chance de ranimer la flamme d’une histoire chancelante. Le terrain devait être hautement inflammable car tout finit par s’embraser dans un fabuleux crescendo, Dangerfield se laissant peu à peu déborder par une passion proprement soufflante. La guitare et l’harmonium se mêlent dans un frisson mais c’est quand la main de Dangerfield s’abat sur le piano autour de 2’48 que l’incendie se déchaîne vraiment, nous consumant et avec nous, le paysage alentour. Un magnifique brasier.
Fyfe Dangerfield – Let’s start again
192. The Black Keys Sister (2011)
Sur leur album le plus direct et le plus outrageusement efficace, ce El camino porté par le tube Lonely boy (nous y reviendrons), les Black Keys multiplient les hits d’une puissance imparable, au risque parfois de raboter quelque peu les rugosités qui les rendaient si précieux. L’album regorge néanmoins de grands moments, dont ce génial Sister, pure décharge d’adrénaline qui assume pleinement son choix de ne pas faire de prisonnier. Un riff addictif, une rythmique qui file droit devant, des nappes de clavier qui font léviter le tout, un refrain à entonner en chœur : Sister est une tuerie, un hymne rock jouissif dont on n’est pas prêt de se lasser.
191. François & the Atlas Mountains La fille aux cheveux de soie (2014)
Idem que pour Hypernuit, je ne rajouterai rien à ce que j’avais déjà écrit : « Sur leur très réussi Piano ombre, François & the Atlas Mountains plaçait cette sublime ballade au piano, morceau de temps suspendu immédiatement érigé par nous au rang de classique. Entre un gimmick mélodique irrésistible, le chant tout de douceur profonde de François Marry et des arrangements haute couture, La fille aux cheveux de soie est une pure merveille taillée dans le drap de la nuit, une chanson de lac au clair de lune une fraîche soirée d’été, le frisson parcourant l’échine et la tête pleine de désirs et de rêveries. Elle constitue en tout cas à mes yeux l’acmé (peut-être provisoire) de la discographie exemplaire de très précieux contemporains. »
François & the Atlas Mountains – La fille aux cheveux de soie
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