Libre penseur
J’ai déjà évoqué ici mon amour pour les disques du génial Neil Hannon mais je n’avais pas commencé par le début. A la fin des années 1980, le petit Irlandais flanqué de deux comparses fonde The Divine Comedy, groupe pop-rock qui s’inspire apparemment de R.E.M. et qui publie un premier album en 1990, le désormais oublié – et que je connais pas – Fanfare for the comic muse. Le groupe tourne un peu en Angleterre (aux côtés de Suede ou My Bloody Valentine) puis finit par se séparer sans gloire en 1992. Neil Hannon décide alors d’incarner à lui seul The Divine Comedy et publie en 1993 cet extraordinaire et bien nommé Liberation.
We took your Daddy’s car / And drove it to the sea / We fooled around for hours / And then when we got tired and it got dark / We found a place to park / And we watched the sun set fire to the sea
Your Daddy’s car
Sous des postures recherchées de dandy pince-sans-rire furieusement “British”, Neil Hannon se révèle un incroyable songwriter, capable de tout oser et de tout réussir, et ne refusant aucune démesure. Fort de sept années d’études musicales classiques et d’un sens inouï de la mélodie pop, il aligne ici 13 chansons impeccables, enchaînées sans le moindre temps faible. S’inspirant de la pop baroque et flamboyante de XTC ou de Left Banke comme des ouragans soufflés par l’immense Scott Walker, Neil Hannon parvient à composer un tableau impressionnant de justesse et de nuances, accompagné d’une violoniste, d’une violoncelliste, d’un trompettiste et d’un batteur. Il délivre ainsi une musique riche et complexe, toujours à la hauteur de ses ambitions, encore rehaussée par des textes classieux et romantiques, drôles et subtils à la fois.
Please don’t look at me that way / You’ll only make me want to say / Something I will regret / You are April you are May / What a stupid thing to say / Just forgive me and forget / That I ever opened my mouth
Queen of the South
L’album s’ouvre par quelques trilles délicates sorties de la gorge d’un quelconque passereau, avant que ne débute Festive road, pièce délicate pour piano et voix délicieusement surannée. Au fil des 13 morceaux de l’album, Neil Hannon parvient à donner de multiples teintes à sa musique, de l’euphorie bucolique de l’époustouflant The pop singers fear the pollen count au lamento élégiaque du bouleversant Timewatching. Sur Your daddy’s car, Neil Hannon atteint des sommets de finesse savamment troublée par un final rempli d’humour noir ; cette distinction habite la grâce baroque de Bernice bobs her hair, la pop synthétique de Europop ou la gravité mélancolique et rêveuse de Queen of the South. L’album se conclut par quatre morceaux exceptionnels : le romantique et tourmenté Victoria falls, le rock compact et élégant de Three sisters, l’instrumental voyageur Europe by train et le fantastique Lucy, mise en musique d’un texte du poète William Wordsworth et bel exemple de chanson parfaite.
Going through each position with gentle precision / She measures each movement / Her classical features and elegant waistline / Are going to waste while she pleases her parents
I was born yesterday
Liberation demeure aujourd’hui encore à mes yeux un mètre-étalon, un disque de très haut vol campant en très bonne place dans mon petit Panthéon personnel. Avec ce premier album – enfin, techniquement le deuxième mais vous m’avez compris – Neil Hannon et sa Divine Comedy réalisait un classique instantané, un bain de jouvence nourri des désirs en liberté de son auteur. Jamais Hannon ne retrouvera pareille martingale sur la durée d’un album, mais le bonhomme peut aligner après plus de vingt ans de carrière une discographie formidable, parsemée tout du long de grands disques (Promenade, Casanova, Bang goes the knighthood) et d’immenses chansons. En bref, ce type est grand.
5 réponses
[…] un chef-d’œuvre authentifié (Liberation) suivi d’un excellent disque (Promenade), Neil Hannon allait traverser une sévère période […]
[…] an à peine après l’exceptionnel Liberation, l’Irlandais Neil Hannon, singleton génial sous le nom de Divine Comedy, laissait de nouveau […]
[…] oublié que l’Irlandais était encore actif et si son triptyque majeur des années 1993-1996 (Liberation, Promenade, Casanova) tournait encore fréquemment sur ma platine, j’étais joyeusement […]
[…] haute altitude, et seule la relecture du Timewatching un brin solennel figurant sur son intouchable Liberation s’avère peut-être un poil plus dispensable. Hannon soigne son entrée en scène avec […]
[…] pas s’étonner si Liberation se taille la part belle dans cette sélection, tant ce disque se révèle d’une excellence […]