Mortelle randonnée
The Kills Keep on your mean side (2003, Domino)
Parmi tous les groupes en “The” surgis sur la vague du “revival rock” de ce début de siècle, les Kills – The Kills – accrochent sans aucun doute le haut du panier, en plus de pouvoir prétendre haut la main au titre de groupe de rock le plus sexy du monde. Ceux qui ont eu la chance d’assister à un de leurs concerts furieux et débridés ne me contrediront pas.
Ce duo anglo-américain – la fille VV (alias Alison Mosshart) et le garçon Hotel (aka Jamie Hince) – débute sa collaboration en 2000 via la poste transatlantique, échangeant des cassettes entre la Floride (où elle réside) et Londres (où il réside). Sentant monter l’alchimie, VV se décide à traverser l’Atlantique et le groupe sort un premier EP en 2002, l’ébouriffant Black rooster, qui débouche sur l’enregistrement de leur premier album, ce Keep on your mean side de 2003.
Avec ce premier album, les Kills – comme les White Stripes mais de façon assez différente – signent un disque de rock radical au sens propre du terme, revenant aux racines mêmes de cette musique: sexe, guitares, sueur et cuir noir. Appuyés sur une formule simplissime (guitare, voix, boîte à rythmes), les Kills réveillent l’esprit frappeur du rock et le soumettent à une virulente cure d’électrochocs. Le duo livre ainsi une musique sale et élégante, abrasive et puissamment sexuée, allant puiser sa vigueur dionysiaque aux sources éternelles du blues urbain, sur le bitume et dans les bars. Musique d’asphalte et de ville sous l’orage, musique moite et turpide, le rock des Kills évoque pêle-mêle d’autres enfants sauvages du rock: du Velvet Underground à PJ Harvey en passant par les Cramps.
L’album se révèle extrêmement cohérent et la même énergie innerve chacun de ces douze morceaux, qui défilent comme un paysage nocturne sans véritable moment faible. On retiendra d’abord l’introspectif Superstition et ses riffs épileptiques ou l’imparable Cat claw, morceau pop trempé dans l’acide punk. On retiendra surtout les formidables Black rooster et Fuck the people dévalés à bride abattue, lâchés comme des chevaux de feu sur l’asphalte fumant du fondateur Run run run du premier album du Velvet Underground. Ces deux titres tout en souplesse torride agissent comme un vivifiant afflux de sang vers le cerveau, un coup de fouet régénérateur qui claque à nos oreilles. Le duo se permet aussi quelques rémissions et conserve toute sa classe sur des morceaux plus lents comme le très beau Gypsy, death and you, ou le lancinant Wait, sorte d’atterrissage enfumé après le rush nocturne.
Les Kills ont fait paraître deux autres albums depuis, le fantastique No wow en2005, et le plus pop(mais toujours très bon) Midnight boom en 2008. Malgré une foultitude de projets parallèles dont le plus célèbre demeure la participation d’Alison Mosshart au groupe Dead Weather avec Jack White, les Kills seraient en train de finaliser un quatrième album. Le groupe est quelque peu devenu une sorte d’icône rock et mode, incarnant autant une attitude qu’une musique. L’écoute roborative de leurs disques rappelle justement que les Kills sont d’abord un formidable groupe avant d’être une gravure de mode.
2 réponses
[…] gagnée par cette forme d’asepsie, délaissant le goudron fumant de premiers albums braseros (Keep on your mean side […]
[…] phares piochés dans la discographie du groupe. Malgré la supériorité évidente à mes yeux de Keep on your mean side et No wow, cette playlist s’avère en fait assez représentative des différents atouts […]