R.E.M. Accelerate (2008, Warner)
Poursuivons ce soir la remontée de la discographie du plus célèbre groupe d’Athens, Géorgie, le quatorzième épisode d’une aventure débutée en 1980 et menée sans guère de fausses notes durant plus de trois décennies. Avec Around the sun justement, et sans doute pour la première fois dans de telles proportions, on pouvait considérer que R.E.M. avait commis un couac gênant, délivrant en pantoufles un album ronronnant à peine sauvé par un ou deux morceaux dignes de son passé. Disque de mauvais augure, aux chiffres de vente en net recul par rapport à l’ordinaire du groupe depuis la fin des années 1980, Around the sun n’annonçait rien de bon, et on redoutait à vrai dire davantage qu’il s’arrête que le groupe s’entête à poursuivre sa route sans plus rien avoir à nous dire, comme d’autres repus par le succès, les honneurs ou simplement l’ennui.
Everybody here / Comes from somewhere / That they would just soon forget / And disguise
Supernatural superserious
Bien conscients de la sclérose qui les guettait, Stipe, Buck et Mills décidèrent donc de tenter une énième régénération, s’engageant à prendre le contre-pied total du poussif Around the sun. Durant l’hiver 2007, le groupe entreprit de travailler sur de nouveaux morceaux aux sonorités plus rock, plus agressives qu’il prit le pari de tester durant une série de concerts donnés à Dublin. A la fin de l’année, le groupe finit par entrer en studio avec le producteur de U2, Jacknife Lee. Si on pouvait prendre acte de la volonté du groupe de se faire violence, toutes ces nouvelles mises bout à bout n’avaient pas forcément de quoi rassurer. Le groupe avait déjà choisi de renouer avec des sonorités plus rock après Automatic for the people pour livrer Monster en 1994, et le résultat s’était révélé plutôt mitigé. Le choix du producteur de U2 n’avait pas non plus de quoi tranquilliser.
Sinking fast, the weight chained to my feet / No time to argue with belief / I’m not alone, a thousand others dropping / Faster than me / What put me here? / Nothing to hold on to / Nowhere to brake
Accelerate
Alors donc cet Accelerate ? On restera au final sur une impression mi-figue, mi-raisin. R.E.M. décroche un bon point en parvenant à dissiper la torpeur qui recouvrait Around the sun. Peter Buck ressort les guitares électriques du placard et fait sonner les riffs, tandis que Michael Stipe découvre des accents bagarreurs qu’on lui avait rarement entendus. R.E.M. semble se recentrer et apparaît ici de nouveau compact et soudé, retrouvant le temps de ces onze chansons expédiées en 35 minutes un peu de la cohésion fougueuse et de l’énergie roborative de ses faits d’armes des années 1980 (Document par exemple). L’album s’ouvre ainsi sur un Living well is the best revenge explosif, sur lequel le groupe se (et nous) fait plaisir à jouer sur ses points forts : la cavalcade de guitare, le sens mélodique, les harmonies vocales… Man-sized wreath qui vient en suivant use peu ou prou des mêmes ingrédients, rappelant à notre souvenir leur What’s the frequency Kenneth ? de 1994. Là où le bât blesse, c’est que cette envie et cette énergie retrouvées ne parviennent pas à masquer complètement une inspiration qui carbure trop souvent à l’ordinaire par rapport aux standards d’un groupe de cette trempe. Si R.E.M. est encore capable de coups d’éclat, tels le remarquable Supernatural superserious ou un Mr. Richards radioactif, beaucoup des chansons présentées ici pourraient seulement prétendre au rang de chutes des albums enfilés par le groupe à toute berzingue au fil des années 1980. Ces Houston ou ces Horse to water empruntent des chemins déjà défrichés par le groupe en d’autres temps, et si tout cela n’est pas désagréable, le souffle qui faisait décoller tout cela est ici absent, ou manque de son ancienne puissance. On ne partagera donc pas l’emballement critique qui avait célébré à la sortie de cet album le retour de R.E.M. après des années d’errance. Si le groupe retrouve une indéniable dynamique et un enthousiasme qui semblaient l’avoir quitté, il demeure bien loin de ce qu’il fut, loin de la lumière fauve de Lifes rich pageant, loin même du fascinant puzzle de New adventures in hi-fi ou de la mélancolie ensoleillée de Reveal, pourtant souvent plus mésestimé.
The battle’s been lost, the war is not won / An addled republic, a bitter refund / The business first flat earthers licking their wounds / The verdict is dire, the country’s in ruins
Until the day is done
Sans être un disque indigne, et même si R.E.M. relève un peu la tête après Around the sun, Accelerate semble confirmer que le trio d’Athens avait un peu perdu le fil de son histoire. Il y aurait encore un ultime sursaut avant de baisser le rideau.