Un bon coup
Miossec Baiser (1997, PIAS)
Moins de deux ans après son accostage corsaire des rivages assoupis de la chanson d’ici, Miossec remettait le couvert avec un deuxième opus au titre tout aussi définitif et programmatique que celui de son prédécesseur, Baiser succédant à Boire. Mais, chez Miossec, la chair comme l’alcool a souvent un goût amer et réserve son lot de lendemains difficiles.
Mais si un beau jour je cède / Pourras-tu me pardonner / Si un beau jour je m’achève / Dans l’infidélité / Penses-tu que l’on se relève / De tous ces corps si étrangers / Ou que l’on en crève / Ça me ferait tellement marrer
La fidélité
On retrouve intacte la verve crue du Breton, refusant de céder d’un pouce au confort et à la bienséance dans des textes d’une implacable lucidité. Le long des treize titres de l’album, Miossec esquisse une sorte de précis de décomposition du couple moderne, menacé autant par la routine mortifère (Ça sent le brûlé) que par les tentations adultères (La fidélité, L’infidélité). Miossec demeure toujours aussi touchant et aussi déstabilisant par sa façon de s’exposer tout entier, dévoilant du même coup nos propres faiblesses et petites grandeurs, nos défaites et nos batailles.
N’être là que pour la baise / Et surtout pas pour les mots tendres / Mieux vaut toujours avoir un jour à rendre / Qu’avoir un jour à ravaler
Le célibat
Mais si Miossec continue de frayer plus ou moins dans les mêmes eaux que son fondamental Boire, il ne cède pas pour autant aux pièges de la simple redite. Après l’acoustique cinglante de son premier opus, Miossec, toujours flanqué de son acolyte Guillaume Jouan, accompagne ici la rudesse de son verbe d’une instrumentation plus rock, la guitare électrique et la batterie ayant largement droit de cité. Et s’il est vrai que ce choix n’impressionne pas autant que le dépouillement sauvage qui habillait Boire, il en résulte quand même de vraies réussites. Miossec se révèle par ailleurs un “non-chanteur” émouvant, tantôt goguenard ou bravache (L’infidélité, Une bonne carcasse, On était tellement de gauche), tantôt affichant un bouleversant profil bas (Ça sent le brûlé), tantôt capable de brûlantes poussées de fièvre (le fantastique Le célibat). En plus de tous les excellents titres précités, on mentionnera cette reprise toute en mâle délicatesse du Salut les amoureux de Joe Dassin qui vient clore de façon subtile ce portrait des histoires de cœur en guerres de tranchées que constitue Baiser.
A essayer de vivre, comme si de rien n’était / On se fait, un beau jour, rattraper par la marée
On était tellement de gauche
Tout entier placé sous le signe du couple, esquif bancal ballotté par le vent, Baiser confirmait au final l’ancrage dans le paysage d’un personnage singulier, loser magnifique avançant le front haut et le verbe en bandoulière. On ne regrette pas de l’avoir suivi depuis…