Au bal des dératés
Supergrass I should coco (1995, EMI)
Déjà près de vingt ans (mon Dieu !) que ce trio de gandins originaires d’Oxford déboulait avec ce disque cyclonique et on ne pourra ma foi que constater que celui-ci n’a pas pris une ride, conservant toute sa fraîcheur et son énergie. Tels trois morveux bravaches dévalant les couloirs de l’école sur leurs trottinettes atomiques en faisant des doigts aux surveillants, Gaz Coombes (chant et guitare), Mickey Quinn (basse) et Danny Goffey (batterie) livraient ici treize titres jouées à toute berzingue et dopés au gaz hilarant.
Here comes my mum / Well she, she knows what I’ve done / Just tell them the truth / You know where it’s from / You’ve blackened our name / Well you, you should be ashamed
Caught by the fuzz
Reposant sur une dynamique sans faille (avec une section rythmique remarquable de fougue) et des mélodies incroyablement accrocheuses, I should coco réussit la parfaite synthèse entre la puissance du punk et le charme immédiat de la pop pour un résultat proprement décoiffant. Avec leurs tronches de personnages de cartoon, les trois Supergrass parvenaient à offrir un classique instantané, une vraie petite bombe sachant marier un sens de l’humour potache à un talent mélodique évident.
We are young / We run free / Keep our teeth, nice and clean / See our friends, see the sights / Feel alright
Alright
L’album débute à 200 à l’heure et continue pied au plancher, enchaînant loopings et embardées incongrues, se permettant pour terminer une légère décélération avec le triptyque Time (très stonien), Sofa (of my lethargy) et (le très beau) Time to go. De l’introductif I’d like to know qui évoque des Buzzcocks sous amphétamines au burlesque We’re not supposed to, qu’on croirait interprété par une bande de gnomes sous acide, ce disque offre un tourneboulant parcours de montagnes russes que l’auditeur achève hébété, un sourire niais au coin des lèvres. On trouvera donc ici une impressionnante collection de tubes à déguster sans modération aucune (et le disque se vendra d’ailleurs à plus d’un million d’exemplaires). Caught by the fuzz se présente comme une folle course poursuite menée tambour battant avec le fantôme des Sex Pistols (et se réfère à l’arrestation du chanteur pour détention d’herbe quand il avait 15 ans) ; Mansize rooster évoque lui un improbable croisement entre Madness et l’Elton John tout en paillettes des années 70. Quant à Alright, il nous invite à nous poser au bord d’une piscine, les pieds en éventail, un lait-fraise dans une main et un pétard dans l’autre. On pourrait passer ici en revue chacun des morceaux tant l’ensemble est d’un niveau constant ; on accordera toutefois une mention particulière à Strange ones ou à ce She’s so loose haletant. Le tout est exécuté en à peine plus d’une demie-heure mais aura regonflé l’auditeur pour la journée.
Funny what you find in your mixed up minds when you’re dreaming / Maybe we’re not like you at all
Sofa (of my lethargy)
Alors qu’on aurait pu craindre pour Supergrass une carrière limitée à un seul album tant I should coco ressemblait à un coup de maître inconscient d’adolescents mal dégrossis, le groupe saura mener sa barque plus loin et mener une carrière tout à fait digne, entre disques décevants (In it for the money en 1997) et vraies réussites (Supergrass en 1999 ou Road to Rouen en 2005). Le groupe s’est officiellement séparé en 2010.
Ah Supergrass… Inusable ce disque, et dieu sait s’il a tourné… (et qu’on nous a matraqué « Alright » dans toutes les playlists radio et moults pubs !) Une insolence mélodique assez inouïe. Par contre, pas d’accord avec toi sur le deuxième album « In it for the money » : sans avoir la spontanéité adolescente de ce premier essai, toutes les chansons y sont néanmoins formidables, en particulier « Richard III » et « Sun hits the sky », mes deux chansons préférées du groupe. Je trouve les disques suivant beaucoup plus inégaux, même si recelant à chaque fois 3 ou 4 perles.