Un ciel de feu
Foals Total life forever (2010, Transgressive Records / Sub Pop)
Avec Antidotes, premier album électrique et bouillonnant, les quatre gars de Foals avaient fait forte impression au point de s’affirmer comme la brûlante révélation rock de 2008. Largement célébrés par la critique rock internationale, leurs morceaux abrasifs à l’énergie communicative hissèrent leur fougue au sommet des charts anglais, renforçant du même coup les attentes autour d’un deuxième album si souvent périlleux.
You got blue blood on your hands, I know it’s my own / You came at me in the midnight to show me my soul
Blue blood
La bande menée par l’explosif Yannis Philippakis n’allait pas rater le virage, prenant le parti de sortir résolument des voies trop balisées que pouvait tracer pour elle son premier LP. Le groupe choisissait ainsi de laisser derrière lui les ambiances frénétiques et les rythme endiablés qui coloraient de rouge et d’or les chansons d’Antidotes. Il délaissait par la même occasion les atmosphères claustrophobes qui menaçaient d’étouffer à la longue cette musique fiévreuse, dont on pouvait craindre qu’elle finisse par s’épuiser à rebondir sans cesse contre les boîtes crâniennes de ses créateurs. Sur Total life forever, Foals entreprend donc d’ouvrir grand les portes de sa cellule capitonnée pour conférer à ses chansons de nouveaux horizons et les confronter au vertige des grands espaces.
Now the waves they drag you down / Carry you to broken ground / But I’ll find you in the sand / Wipe you clean with dirty hands / So God damn this boiling space / The Spanish Sahara, the place that you’d wanna / Leave the horror here
Spanish Sahara
Le rock taillé pour le dance-floor d’Antidotes prend le large, sort de la ville et s’en va s’affronter à la nuit. La fièvre qui habite la musique des Anglais se fait, si l’on peut dire, plus expansive, gagnant en ampleur sans perdre en intensité et Foals se révèle finalement un grand groupe atmosphérique. Le pari n’est pas sans risque et tout l’album se déroule sur un fil, tant ce lyrisme tendu menace souvent de verser dans l’emphase. On pense ainsi parfois à Coldplay, mais le Coldplay encore maître de ses effets de A rush of blood to the head ou celui bridé par Brian Eno de Viva la vida. Pour tenir les rênes, Foals fait preuve d’un remarquable esprit de corps, une forme de cohésion qui transpire des accords choraux et des harmonies vocales qu’il utilise au long de l’album. Cette compacité dans l’exécution permet d’arrimer solidement au sol ces chansons vaporeuses, d’en rendre pour ainsi dire la brume plus dense pour qu’elle ne risque pas d’être dispersée au moindre coup de vent. Et au contraire, dans les moments les plus exaltants du disque, le groupe s’emploie à déployer tout son art combustible pour s’en aller mettre le feu à l’air ambiant et incendier les nuages.
I know a face who I can show my true colours / To your arms, into your arms I will go when I’m low
Total life forever
Les meilleurs titres du disque sont ainsi, à mon sens, ceux où opère le mieux cette forme de combustion lente, cet allumage progressif qui les fait peu à peu changer de dimension et les transforme en redoutables machines à dérégler nos sens. On pense à Black gold, à After glow dont la coda débridée vient faire trembler la terre sous nos pieds. On pense surtout au fantastique Spanish Sahara, qui enfle et rougeoie pour se résoudre en une impétueuse tempête de sable, chaude et cinglante à nous faire perdre le Nord. La musique du groupe semble par ailleurs se charger d’une gravité nouvelle, abordant des sujets plus lourds ou plus intimes, comme si Foals souhaitait désormais mieux articuler son propos, s’exprimer autrement que par un déferlement – certes jouissif – d’énergie brute. Le groupe demeure cependant capable de s’adresser encore aux jambes aussi bien qu’à la tête, comme il le démontre magistralement sur l’impeccable Blue blood, ce Miami aux rythmiques lorgnant vers le hip-hop ou un Total life forever à la fois souple et puissant. Plus loin, avec “2 trees”, Foals se laisse gagner par une étrange douceur et c’est très beau. On concèdera néanmoins que tout n’est pas parfait sur ce disque, et le lyrisme d’Alabaster ou de What remains les fait ployer sous trop de pesanteur.
Don’t give up, don’t let go / Grey clouds, they’ll, they’ll break up
2 trees
Total life forever confirmait qu’il faudrait désormais compter avec un deuxième groupe important à Oxford – cherchez bien, vous trouverez qui est l’autre – et posait les bases de ce qui allait rendre le groupe aussi vibrant que parfois agaçant. Avec le succès d’Holy fire, Foals verra son aura publique encore s’accroître et sa place dans le rock contemporain s’affermir un peu plus. On en reparlera peut-être, mais on reparlera peut-être plus sûrement de What went down, leur album de 2015 qui demeure à mon sens leur plus réussi.
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[…] de Foals dans ce classement, « Spanish Sahara » est sans doute le principal moment fort de Total life forever, deuxième opus bouillonnant du groupe d’Oxford. Le morceau, construit comme une lente […]