Groupe sanguin
Coldplay A rush of blood to the head (2002, Capitol / EMI)
Quand j’écrivais dans ces pages il y a déjà 7 ans à propos du premier album de Coldplay, je m’étais laissé aller à une confession sans doute déjà alors proche de l’hérésie aux yeux des puristes en avouant une réelle affection pour le groupe de Chris Martin. Je concède aujourd’hui avoir lâché l’affaire depuis que le quatuor semble avoir définitivement succombé à son aérophagie – depuis Mylo xyloto pour être précis – mais je continuerai d’affirmer sans honte que, pendant les premières années de ce siècle, Coldplay valait bien mieux que le dédain poli qu’il suscitait déjà chez les personnes « de bon goût ».
He said, I’m gonna buy a gun and start a war / If you can tell me something worth fighting for / Oh and I’m gonna buy this place, is what I said / Blame it upon a rush of blood to the head
A rush of blood to the head
Après le succès de Parachutes, et assez classiquement, il fallut quelque temps à Chris Martin et sa bande pour envisager la suite. L’écueil du deuxième album devient en effet particulièrement redoutable après un premier essai multi-platiné, et la bonne fortune des Londoniens suscitait déjà son lot de haussement d’épaules du côté de la critique. Coldplay allait pourtant remarquablement franchir l’obstacle en livrant un deuxième opus qui surpassait les promesses avancées par son prédécesseur. Aidé par le producteur Ken Nelson et buvant les précieux conseils dispensés par Ian McCulloch, en vacances prolongées d’Echo & the Bunnymen, Coldplay sort ses chansons des rails parfois ronronnants de Parachutes pour se risquer à d’étonnantes embardées. Loin d’être risque-tout, le groupe ne va pas jusqu’à tenter la sortie de route mais se secoue suffisamment pour se (et nous) procurer des sensations plus piquantes. Malgré quelques longueurs et quelques temps faibles, Coldplay se fait groupe sanguin, gagné par une fièvre nouvelle, et s’étonnerait presque sous nos yeux du plaisir qu’il ressent à ces nouveaux frissons.
I came here with a load / And it feels so much lighter since I met you
Green eyes
L’initial « Politik », fauve et orageux, annonce la couleur et donne à entendre un Coldplay différent, farouche et combatif. Musicalement, ce titre donne également le ton de l’album, mettant en avant le piano et des guitares électriques rêches et mélodiques à la fois. Ce morceau de plus de cinq minutes préfigure aussi les constructions plus complexes et autrement plus impressionnantes de God put a smile upon your face et surtout du formidable morceau-titre, fascinante montée de sève aux relents psychédéliques – quelque part entre Pink Floyd et les Bunnymen -, qui se déploie pour atteindre un niveau d’intensité insoupçonné. Chris Martin – qui chante d’ailleurs remarquablement sur la plupart des morceaux – sort aussi à bon escient ses atours romantiques avec quelques ballades vibrantes de fort belle facture. Ce sera ainsi ce Green eyes empli d’une douce modestie, merveille de chanson pop à la limpide évidence. Ce sera cet Amsterdam final, dont la ferveur rehausse le classicisme. Ce sera enfin ce The scientist casse-gueule, tube imparable qui réussit à tenir l’équilibre quelque part entre le Lennon d’ Imagine et le With or without you de U2 en gardant suffisamment de justesse pour emporter le morceau. Alors, certes, on regrettera que le titre comporte quelques morceaux de trop, comme ce poussif Warning sign, l’anodin In my place ou ce A whisper qui finit par faire du surplace. Mais au final, Coldplay nous offre une musique généreuse sans être putassière, une pop usant avec intelligence d’un lyrisme capiteux appris chez Echo & the Bunnymen pour gagner en chair et en nerfs et se révéler au bout du compte moins inoffensive que ses détracteurs ne l’auraient voulu.
Tell me you love me / Come back and haunt me / Oh, and I rush to the start / Running in circles / Chasing our tails / Coming back as we are
The scientist
A rush of blood to the head enfonça les scores déjà élevés de Parachutes et confirma Coldplay comme un poids lourd de la scène pop-rock. Cette lourdeur allait malheureusement commencer à déteindre sur leur musique dès le pénible X & Y (2005). Chris Martin eut ensuite la bonne idée d’aller chercher la précieuse assistance de Brian Eno pour un Viva la vida or death and all his friends (2008) qui demeure peut-être le meilleur disque du groupe. Après, je crois qu’il s’est un peu perdu.
2 réponses
[…] Rien de révolutionnaire certes, et Coldplay fera bien mieux à mon sens par la suite (sur A rush of blood to the head notamment), mais de quoi satisfaire nos oreilles le temps de quelques chansons joliment troussées. […]
[…] On pense ainsi parfois à Coldplay, mais le Coldplay encore maître de ses effets de A rush of blood to the head ou celui bridé par Brian Eno de Viva la vida. Pour tenir les rênes, Foals fait preuve d’un […]