A bride abattue

Foals Antidotes (2008, Transgressive / Warner)

Foals - Antidotes

Fondé en 2005 à Oxford par le dénommé Andrew Mears, qui s’en ira très vite voguer vers d’autres aventures artistiques, Foals se cristallise rapidement sous forme de quintet autour de Yannis Philippakis. Le groupe se fait progressivement remarquer via ses concerts et ses maquettes et les deux premiers singles qu’il publie chez Transgressive créent une réelle attente autour de son premier album, que la bande part enregistrer à New York sous la houlette du génial David Sitek (cf. TV On The Radio). Visiblement déterminés à n’en faire qu’à leur tête, les cinq gars de Foals, s’ils salueront l’apport du grand Sitek, se permettront quand même de remixer les pistes à leur retour en Angleterre, afin d’obtenir un résultat plus conforme à leurs souhaits. Antidotes déboule finalement dans les bacs au début du printemps 2008.

We fly balloons on this fuel called love

Balloons

J’emploie « débouler » à dessein tant l’énergie dégagée par ces poulains (« foals » en anglais) sidère et galvanise le long des onze morceaux qui composent Antidotes. En guise de « poulains », on a plutôt affaire à des purs-sangs fougueux, mêlant dans leur cavalcade furieuse la vitesse et la puissance. Foals rassemble dans son chaudron fumant les braises du post-punk, la frénésie du ska, une touche de reggae, la pulsation de l’afro-beat. On pense ainsi souvent à un Vampire Weekend qui aurait mis les doigts dans la prise et bien évidemment (toutes proportions gardées cependant), aux Talking Heads millésimés de l’éblouissant diptyque Fear of music / Remain in light. Mais la musique de Foals se suffit à elle-même pour ne pas se laisser écraser par ces références. Le groupe démarre sur les chapeaux de roue et réussit, malgré quelques signes d’essoufflement compréhensibles, à tenir la distance, porté notamment par une section rythmique infernale (on plaint à plusieurs reprises les bras du batteur). Émane de l’ensemble un mélange d’urgence et de tension, d’euphorie et d’appel à la danse franchement roboratif.

She said these wasp’s nests in your head

Red socks pugie

Foals soigne son entrée en scène et plonge d’emblée l’auditeur dans le vif (brûlant) du sujet. L’album s’ouvre ainsi sur un The French open qui fait tout de suite monter en flèche la température, porté notamment par les cuivres en ébullition de l’Antibalas Afrobeat Orchestra. Le morceau pique de surcroît notre curiosité, avec son drôle de mantra ânonné dans un mauvais français, « Un peu d’air sur la terre », que l’on apprendra détourné d’une publicité Lacoste. Cassius surgit alors en deuxième lame pour nous cueillir au menton d’un violent uppercut, ska furieux et possédé, formidable casse-tête mélodique dont les notes égrenées à toute vitesse à la guitare nous font proprement tourner la tête. Un peu plus loin, Balloons joue lui aussi sur cette corde débridée, et pourtant tendue à se rompre, folle sarabande qui prend plaisir à désorienter l’auditeur, qui ressort essoufflé et étourdi. Au fil du disque, le groupe alterne ces courses effrénées avec des phases où l’allure ralentit, sans pour autant que la tension retombe. L’excellentissime Red socks pugie, atmosphérique et physique à la fois, en constitue sans doute le plus bel exemple. Foals aime également jouer l’effet de surprise en changeant parfois brusquement de braquet au cours d’un même morceau, comme sur ce Two steps, twice qui se conclut en feu d’artifice et qu’on accompagne à gorge déployée en balançant la tête et les bras. Et si certains morceaux manquent un peu de reliefs pour imprimer plus durablement nos tympans (Heavy water ou Tron par exemple), le groupe réussit le plus souvent à nous tenir en haleine, attentifs à la vibration de chaque muscle sous la peau tendue de cette musique à la beauté animale. Le bien-nommé Big big love (fig. 2) déploie ainsi sous nos yeux une myriade d’étoiles, comme autant de gouttes de sueur brillant à la lueur des stroboscopes.

The hell outside’s kept away / If only we could move away / From here

Olympic airways

Depuis ces percutants débuts, Foals s’est affirmé comme une figure importante du rock d’aujourd’hui, traçant un sillon sauvage et beau que j’avoue ne pas avoir suivi de près avant récemment, notamment par la grâce de leur très réussi What went down de 2015. Leurs prestations scéniques réputées leur ont également permis de fidéliser un public de plus en plus large, fasciné par les performances intenses de Philippakis et de sa troupe. Les « poulains » ne semblent pas encore apprivoisés.

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