La naissance du jour
Cascadeur The human octopus (2011, Mercury)
J’aurais aimé vous souhaiter bonne année le cœur léger et rempli d’optimisme mais les récents événements ont d’ores et déjà placé 2015 sous de bien funestes auspices. En ces temps désolants, la musique (parmi d’autres choses) demeure une inaltérable source de lumière et de chaleur à laquelle il est toujours possible de se régénérer, un moyen sans équivalent de se faire du bien, tout simplement. Ce blog poursuit donc une aventure – même si le mot est sans doute bien pompeux – entamée il y a maintenant près de 8 ans ; tant que l’envie et le plaisir seront là, pourquoi s’arrêter ?
Memories / They take away ocean waves / I’m swimming / Through the time, forgot the place / I’m nowhere / Like a tree in my desert
Memories
J’étais passé à côté de ce premier album du dénommé Cascadeur à sa sortie et ce n’est qu’après la découverte émerveillée de son magnifique Ghost surfer de l’an dernier que j’y suis finalement venu. Si ce disque n’atteint pas tout à fait les sommets de son scintillant successeur, il aurait quand même été dommage de le rater. Sous le masque (au sens propre) de Cascadeur se cache un Messin, le dénommé Alexandre Longo. Élevé dans une famille mélomane, le petit Alexandre se met au piano dès ses 8 ans. Après des années passées à cultiver ses compositions dans l’ombre, Cascadeur se révèle en 2008 en remportant le concours de découvertes musicales CQFD organisé par Les Inrockuptibles. Il faudra néanmoins encore 3 ans à ce perfectionniste pour faire paraître son premier opus, ce The human octopus dont il sera aujourd’hui question.
Now I’m lost, I lost my words and soul, my cards and keys, but not my name
Walker
On balaiera rapidement la singularité la plus visible de Cascadeur : effrayé par les lumières, le garçon a choisi de cacher son visage sous un casque de motard ou un masque de catcheur mexicain. Cette excentricité, aussi peu esthétique qu’elle soit, colle finalement assez peu à cette musique qui, bien que fragile et délicate, n’a vraiment aucune raison de camoufler ses beautés. Cascadeur joue ici une pop affranchie et aérienne, semblant plus souvent venir directement des étoiles que du cœur de la Lorraine. Frère d’âme d’autres grands décollés du sol, d’ici (Sébastien Schuller, Syd Matters) ou d’ailleurs (Patrick Watson), le sieur Longo délivre de son chant de falsetto – mi-femme, mi-enfant – des chansons hors du monde, faisant défiler devant nos yeux des images de silhouettes lunaires et d’anneaux saturniens. En écoutant ces morceaux, on a par ailleurs fréquemment l’impression d’assister à une éclosion, comme si l’on se branchait directement sur les yeux et le cœur d’un homme longtemps reclus qui découvrirait d’un coup, ébahi et effrayé à la fois, les beautés infinies du monde.
I disappear / I’ll be your shadow
Your shadow
L’album s’ouvre d’ailleurs par une chanson qui s’élève comme une aube, mais une aube inquiète, avec cet Into the wild magnifié par le chœur de la Young Rapture Choir qu’on retrouvera avec un bonheur égal sur l’ensemble du disque. Le meilleur reste néanmoins à venir : la grâce éthérée de Walker, sidéral et sidérant ou un Waitin qui évoque les moments les plus cristallins de Prefab Sprout. On décollera encore un brin plus haut par la grâce du formidable Bye bye, chanson à laquelle on aimerait ne jamais dire au revoir ou avec ce Memories d’une splendeur immaculée, tendre et bouleversant à la fois. Sur le final de Your shadow, les notes de piano en suspension font passer le fantôme de Satie tandis que Highway 01 brille d’une charge dramatique plus marquée, hésitant lui aussi entre l’émerveillement et la crainte, l’alarme et l’enchantement.
Bye bye my last dream
Bye bye
The human octopus marque donc d’une fort belle manière l’arrivée sous les projecteurs d’un musicien atypique, qui dissimule son visage pour mieux exprimer une sensibilité tremblée extrêmement émouvante. Cet album laissait déjà entrevoir de radieuses promesses, cent fois confirmées par ce Ghost surfer de 2014 dont il sera sans doute question un jour dans ces pages
2 réponses
[…] Cascadeur Bye bye [2011, The human octopus] […]
[…] Cascadeur The crossing [Ghost surfer] […]