Les ailes du plaisir
Andrew Bird Andrew Bird & the mysterious production of eggs (2005, Fargo)
A l’occasion de ma chronique de son fort appréciable Armchair apocrypha de 2007, j’avais annoncé que je reviendrais un jour sur ce formidable album de 2005 du songwriter chicagoan; ce sera chose faite aujourd’hui. Après plusieurs albums parus sous le nom d’Andrew Bird’s Bowl of Fire entre 1996 et 2001, c’est en 2003 qu’Andrew Bird se fait véritablement un nom par chez-nous avec la parution de l’acclamé Weather systems, disque dont j’avoue n’avoir jamais su vraiment saisir tous les charmes. En revanche, chaque écoute de cet album se proposant d’aborder la séminale question du “mystère de la production des œufs” accroît sa valeur à mes oreilles ébahies.
Souvent rattaché on ne sait trop pourquoi à la scène folk, Andrew Bird œuvre bien plutôt dans le registre d’une pop funambule et sans collier, ramenant des brassées de nuage et de lumière mêlés. Quelque part entre Phil Ochs et un Rufus Wainwright modeste, Bird tire d’influences multiples une fraîcheur et une grâce roboratives. Violoniste hors pair, siffleur émérite, vocaliste grandiose, Andrew Bird aligne tous ses atouts en une martingale lui permettant de décrocher la mise à chaque coup (ou presque).
Bird s’élève déjà vers les sommets avec ses ballades belles à pleurer, comme ce Sovay miraculeux, sur lequel chaque touche de vibraphone sonne comme autant de flocons de neige faisant résonner l’atmosphère. Cette aura stellaire se retrouve sur des titres comme MX missiles, Master fade ou l’époustouflant The happy birthday song qui vient conduire l’album vers un final stratosphérique digne des grandes heures de Patrick Watson. Andrew Bird se révèle également irrésistible à des allures plus rythmées, donnant à des morceaux comme l’impérial Skin is, my ou l’hallucinant A nervous tic motion of the head to the left des démarches chaloupées qui nous forcent à notre tour à remuer des hanches avec un sourire béat. Sur Fake palindromes, le bonhomme ose même une incursion dans un registre plus rock sans perdre une once de grâce, apportant bien au contraire des teintes fauves au bruissement des guitares électriques avec des arrangements de violon orientalisants du plus bel effet. Pas question enfin de passer sous silence le merveilleux Tables and chairs dont le texte (assez abscons comme souvent chez Bird il faut bien l’admettre) semble prendre une résonance prémonitoire quand on pense à la récente crise financière ayant secoué la planète: “I know we’re gonna meet someday in the crumbled financial institutions of this land / There will be tables and chairs / Pony rides and dancing bears / They’ll even be a band”. La perspective de voir Andrew Bird conduire l’orchestre sur les ruines de la finance internationale, on a connu pire…
Depuis ce Mysterious production of eggs, Andrew Bird a sorti trois nouveaux albums: Armchair apocrypha en 2007, Soldier on en 2008 et Noble beast en 2009.
A voir ci-dessous une prestation magistrale d’Andrew Bird dans une émission de Guillaume Durand en avril 2005:
1 réponse
[…] la porte de ce disque, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs. En revanche, l’excellent The mysterious production of eggs de 2005 m’impressionna davantage, par ses dons de funambule et d’acrobate. Sur ce […]