Sous le soleil

R.E.M. Reveal (2001, Warner)

R.E.M. - Reveal

Il aurait quand même été dommage de terminer l’année sans revenir une fois encore sur la discographie de R.E.M., dont la remontée chronologique occupe ces pages telle un fil rouge depuis maintenant près d’un an et demi.

Grounded 5 AM / The night lite is comforting / But gravity is holding you / Once settled into sleep / You have watched on repeat / The story of your life / Across the ceiling / And in review

The lifting

Reveal marque l’entrée dans le nouveau siècle d’un groupe passé, en vingt ans d’une carrière exemplaire, de figure de proue d’un rock indie qu’il conduirait jusque dans les stades (pour le meilleur et pour le pire) à figure tutélaire, admirée et respectée pour son irréductible intégrité et son endurance créative. Nombre d’observateurs critiques tendaient néanmoins à pointer que le respect prenait chez eux le pas sur l’admiration et que le désormais trio d’Athens était depuis déjà quelque temps plus honorable qu’important. D’un certain point de vue, ceux-là n’avaient pas tout à fait tort mais Up avait démontré à celles et ceux qui savaient écouter que le groupe demeurait toujours capable d’imposantes prises de risques, au point de laisser sur le bord de la route nombre de fans de la première heure désorientés par les nouveaux chemins empruntés par sa musique. Reveal allait poursuivre sur la voie tracée par son brillant prédécesseur, se parant néanmoins d’autres teintes, plus lumineuses comme le jaune pétant colorant la pochette semble le laisser deviner.

This lightning storm / This tidal wave / This avalanche, I’m not afraid / C’mon, c’mon no one can see me cry

Imitation of life

Quand Up constituait un disque de crise, la nécessaire réinvention d’un groupe amputé d’un de ses membres et placé dans l’obligation de réapprendre à marcher, de façon parfois heurtée et douloureuse, Reveal donne à voir un R.E.M. à la démarche sereine, solide sur ses appuis. Les expérimentations sonores de Up n’ont pas disparu mais elles sont reléguées en arrière-plan, bouillonnant de-ci de-là pour faire joliment mousser certains morceaux. La place des synthétiseurs reste centrale mais le sens mélodique du groupe et les arpèges cristallins de Buck les accompagnent plus souvent, plus franchement. Et le chant de Michael Stipe trône en majesté sur l’ensemble ; bien loin des marmonnements des débuts, la voix du divin chauve étincelle comme jamais, tantôt ferme, tantôt fragile. Au bout du compte, alors que R.E.M. a longtemps été synonyme de mouvement (Rapid Eye Movement), dont la musique traduisait une sorte d’effervescence fébrile et nerveuse, Reveal semble être le produit d’un groupe arrivé à destination, au moins temporairement. C’est comme si Stipe, Buck et Mills avaient trouvé un point de vue hospitalier, un plateau où poser leurs tentes et d’où ils pourraient contempler la course du soleil. De là, R.E.M. ne manque pas de jeter un œil en arrière, sur ses amours de jeunesse (ces Beachball ou Summer turns to high en forme d’hommages appuyés aux Beach Boys) ou sur ses propres faits d’armes (l’impeccable tube Imitation of life à l’ADN trempé dans quelques-uns des plus évidents tubes du combo).

It’s the wolf that knows which root to dig to save itself / It’s the octopus that crawled back to the sea

Chorus and the ring

L’album s’ouvre sur un The lifting effectivement en apesanteur avant d’enchaîner avec un I’ve been high frémissant et bouleversant, bulle cotonneuse et iridescente, à la pulsation belle et précieuse. All the way to Reno (you’re gonna be a star) brille d’une évidence élégante dans le registre de la ballade en majesté, tandis qu’ Imitation of life (en hommage à Douglas Sirk) s’impose comme un bijou de pop-song, humble et irrésistible à la fois. Pour rester dans l’ambiance ensoleillée de l’ensemble, R.E.M. se fend de deux hommages appuyés déposés sur l’autel du génie de Brian Wilson, avec le brumeux Summer turns to high et le conclusif Beachball placé sur coussin d’air par une bordée de cordes et de vents et qui, on le jurerait, laisse en s’éteignant comme des grains de sable collés sur la peau. Moins aventureux que son prédécesseur, Reveal prend parfois, à se dorer au soleil, le risque de somnoler, et quand R.E.M. s’étire, il arrive que l’auditeur bâille un peu (Beat a drum ou le convenu She just wants to be). Mais à côté de ces quelques moments plus faibles, le groupe reste capable de placer un morceau aussi bouleversant que I’ll take a rain, une de mes chansons préférées de son répertoire, pour cette façon de s’élever en courbant l’échine et finalement regarder la pluie en face, toujours soufflé par la cruelle beauté du monde.

Tonight’s alive / The beachball’s set to fly / Those well tequilaed guys / Who smile at strangers / A tes souhaits / A tes amours chéri / You give a little squeeze

Beachball

Souvent mésestimé dans l’œuvre de R.E.M., Reveal montre à mon sens à quel point le combo d’Athens a su faire preuve d’une constance impressionnante au fil de sa riche carrière. Il est certes des disques plus excitants, plus cruciaux mais la tendre clarté émanant de ces douze chansons mérite que l’on s’y baigne.

4 commentaires sur « Sous le soleil »

  1. J’ai chopé ton lien sur un blog voisin y’a pas longtemps.. et ma fois.. que des choses qui me plaisent parmi tes tags. REM, un de mes groupes préférés de l’autre côté de l’Atlantique en tout cas celui que j’écoute le plus.. celui là comme les autres, et surtout « Around the Sun ».
    « I’ll take the rain » est le sommet de « Reveal » pour moi.

    Je vais continuer à fouiller dans ta liste
    Charlu

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