Les lumières de la ville

The Blue Nile A walk across the rooftops (1984, EMI Music)

The Blue Nile - A walk across the rooftops

Ce n’est qu’après avoir été diplômés de l’Université de Glasgow que Paul Buchanan et Robert Bell décident de se lancer dans la musique. Après quelques mois de tâtonnements, The Blue Nile se stabilise sous la forme d’un trio et le groupe commence à faire ses armes sur la scène glaswegienne. Buchanan et ses compères parviennent à sortir un premier 45t, I love this life, en 1981 mais celui-ci est à peine sorti que la maison de disques qui le distribue met la clé sous la porte. C’est finalement par un heureux concours de circonstances que le Blue Nile va avoir l’opportunité d’enregistrer son premier album, A walk across the rooftops en 1984. Alors que le groupe répète dans un studio équipé de matériel Linn, sa musique parvient aux oreilles d’un émissaire de la société souhaitant tester la qualité du matériel du studio. Le charme opère et la société Linn, sur le point de fonder son propre label, décide d’offrir sa première signature au groupe de Paul Buchanan.

The traffic lights are changing / The black and white horizon / I leave the quiet redstone / And walk across the rooftops

A walk across the rooftops

Le groupe traînera longtemps de ce fait une drôle de réputation, celle d’un combo créé de toutes pièces pour faire vendre du matériel audio, alors qu’il aurait fallu être sourd et sans cœur pour passer à côté d’un groupe pareil. J’ai pour ma part découvert le Blue Nile avec leur deuxième album, le merveilleux Hats (1989) qui occupe une place de choix dans mon petit Panthéon personnel. Mais en découvrant tout récemment A walk across the rooftops, je m’aperçois que le groupe avait déjà commis un disque de tout premier plan.

In the bureau typewriter’s quiet / Confetti falls from every window / Throwing hats up in the air / A city perfect in every detail

Easter parade

Il est difficile de rattacher The Blue Nile à une filiation musicale très précise et si sa pop fait une place importante aux synthétiseurs, le groupe navigue bien loin de l’électro-pop néo-romantique (Duran Duran et autres…) comme de la froideur affectée de la cold-wave. Le groupe mêle en fait ses sonorités synthétiques à une sensibilité soul exacerbée, exprimée avec une intensité sans pareille dans le chant bouleversant de Paul Buchanan. On ajoutera à cela une forme de fraîcheur fortement influencée par l’esprit punk, le trio ayant fréquemment affirmé avec franchise son amateurisme musical et l’esprit très « do-it yourself » ayant présidé à ses premiers pas discographiques.

I leave the home of a lifetime / Like any son / I have hope and good intentions / And wandering into the daybreak / I learn as I go

From rags to riches

Que retenir donc de ce disque émouvant et vibrant ? Ce sera d’abord une brassée d’images comme autant d’instantanés venant témoigner de l’attachement viscéral d’un homme à sa ville – Glasgow – dont les paysages (essentiellement nocturnes) semblent coller au corps de ces chansons. On croisera ainsi une voiture rouge dans une fontaine, un horizon en noir et blanc ou des confettis tombant en pluie des fenêtres… On retiendra aussi cette étrange lumière qui baigne les morceaux, lumière des néons de la ville autour duquel les cœurs viennent tourner comme des papillons égarés, tant pour se réchauffer que pour s’aveugler. Et la voix de Buchanan donne toujours le la, s’appuyant sur la drôle de force tranquille qui habite la musique pour nous vriller le cœur et l’âme, maître chanteur empli de soul blanche. Une chronique lue sur le Net disait que Buchanan chantant semblait toujours en lutte avec lui-même et c’est exactement ça, tant l’homme paraît balancer entre l’espérance et la résignation, les lueurs de la nuit et l’obscurité des impasses.

Automobile noise / Exit signs and subway trains / Twenty-four hours, statues in the rain / Walk in the headlights, walk in the daylight

Automobile noise

A walk across the rooftops n’est cependant pas Hats dont il n’a pas l’ampleur et la constance mais il abrite au moins 4 morceaux inestimables. C’est d’abord l’introductif A walk across the rooftops, déclaration d’amour quasi-lyrique à la ville de Glasgow vue depuis les toits. C’est ensuite le fantastique Tinseltown in the rain dont le « Do I love you ? Yes I love you » du refrain claque comme une déchirure tandis que d’étonnantes guitares funky impriment un rythme saccadé. C’est Easter parade, merveilleuse ballade au piano éclairée à la bougie et emplie de silence, tout en contours tremblés de clair-obscur. C’est enfin le sublime Heatwave« dont le fragile balancement nous chavire et nous transporte avec une justesse bouleversante. Les trois autres titres sont de moindre acabit mais ne manquent pas d’éclat pour autant, notamment From rags to riches ou le conclusif Automobile noise.

Tinseltown in the rain / Oh men and women / Here we are, caught up in this big rhythm

Tinseltown in the rain

A walk across the rooftops décrochera un vrai succès critique et constitue surtout la première pierre d’une discographie bâtie à un rythme d’escargot, celui d’un groupe décidément pas tout à fait comme les autres, puisque The Blue Nile ne commettra que quatre albums en 20 ans. Le groupe semble aujourd’hui disparu, sans bruit, et Paul Buchanan a fait paraître un album solo l’an dernier, Mid-air dont une première écoute rapide m’avait fait belle impression. J’y reviendrais peut-être un jour…

Un commentaire sur « Les lumières de la ville »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *