Sur la route

R.E.M. New adventures in hi-fi (1996, Warner)

R.E.M. - New adventures in hi-fi

Cela faisait plusieurs mois que j’avais laissé quelque peu en plan ma remontée chronologique de la discographie de R.E.M. – entamée il y a déjà plus d’un an – et je me retrouve pour la première fois je crois plutôt raccord avec une certaine actualité. En effet, à l’heure où ce New adventures in hi-fi vient juste de fêter son vingtième anniversaire, je viens de voir fleurir plusieurs articles de sites musicaux fort recommandables revenant eux-mêmes sur le dixième album solo du quatuor d’Athens. Mes lecteurs et lectrices familiers avec l’anglais pourront aller voir ici ou , ils et elles pourront y lire des choses fort intéressantes dont certaines seront peut-être redondantes avec ce que j’écrirai ce soir. Pour les autres, vous pouvez toujours me consacrer quelques minutes si vous souhaitez en savoir plus, avant d’aller jeter une oreille sur la musique.

Just arrived Singapore, San Sebastian, Spain, 26-hour trip / Salt Lake City, come in spring over the salt flats / A hailstorm brought you back to me

Departure

Au  fil de sa carrière, R.E.M. s’est toujours efforcé de ne pas tomber dans la routine, s’astreignant toujours à renouveler son approche – même par petites touches – sans pour autant chambouler son style et chercher à être ce qu’il n’était pas. Avec ce New adventures in hi-fi, R.E.M. s’essaie à ce qui ressemble à un disque de voyage, un recueil de chansons nomades composées dans leur grande majorité au fil de la tournée XXL ayant suivi la sortie de Monster. On ne s’étonnera donc pas si cet album ressemble à une sorte de road trip, un « travelogue » comme le décrivait Mike Mills lui-même, enregistré sur la route et dans lequel le paysage semble défiler comme sur la photo de pochette. Et le voyage ne fut pas de tout repos, loin s’en faut, tant la tournée Monster fut cahoteuse et tourmentée, avec pour dramatique point d’orgue la rupture d’anévrisme qui faillit coûter la vie du batteur Bill Berry lors d’un concert à Lausanne. Les chansons de cet album étonnamment long pour un disque de R.E.M. portent donc les stigmates de ce contexte chaotique : brûlantes souvent, batailleuses et fragiles, inabouties parfois aussi. J’avouerai aussi que je n’ai vraiment découvert ce New adventures in hi-fi que fort récemment, étant passé à côté pour plein de raisons à l’époque ; le disque était donc demeuré pour moi une pièce manquante dans le puzzle discographique du groupe, pièce aujourd’hui remise à sa juste place et qui ma foi fait sens avec l’avant et l’après de l’aventure de R.E.M.

I didn’t wear glasses because I thought it might rain / Now I can’t see anything / I made a mistake, chalked it up to design / I cracked through time/space, godless and dry / I point my nose to the northern star / And watch the decline from a hazy distance

How the West was won and where it got us

De meilleure facture que son prédécesseur Monster, New adventures in hi-fi présente les défauts de ses qualités et réciproquement. Avec le recul, cet album pourrait apparaître comme un improbable mélange entre Fables of the reconstruction, Document et Monster. Du premier, et je l’ai déjà dit, New adventures… hérite de l’incessante turbulence, cette bougeotte qui retranscrit sans aucun doute les conditions de son enregistrement ; des deux autres, il semble avoir pris le côté patchwork et le goût pour les guitares nerveuses. Sur la durée, ce disque se révèle finalement plus long en bouche qu’il n’y paraît. Quand le groupe bande ses muscles, il retrouve une félinité qu’on ne lui connaissait plus, et ces Departure (résurgence gonflée à bloc du génial Disturbance at the heron house), The wake-up bomb ou So fast, so numb irradient d’une énergie contagieuse. Et quand il affiche toute la délicatesse qu’on lui connaît, il livre quelques merveilles comme le formidable et lumineux Electrolite final ou le touchant Be mine. R.E.M. se permet même quelques pas de côté stylistiques tel cet introductif et flottant How the West was won and where it got us, pas si loin des sonorités trip-hop alors triomphantes. Parmi les hauts faits de l’album, on ne manquera pas de mentionner l’urgence tordue et la beauté malade de Leave, et évidemment la splendeur élégiaque d’un E-bow the letter sur lequel Patti Smith vient (un peu lourdement) partager un hommage à l’ami disparu River Phoenix. Alors certes, New adventures in hi-fi pèche en peu en longueur et quelques titres auraient pu être élagués sans dommage pour le résultat final mais combien de groupes sont encore capables de disques de cette qualité à leur dixième essai, au sommet de leur succès public ?

This fame thing, I don’t get it / I wrap my hand in plastic to try to look through it / Maybelline eyes and girl-as-boy moves / I can take you far / This star thing, I don’t get it (E-bow the letter)

On ne sait s’il en était voulu ainsi par les membres du groupe mais New adventures in hi-fi marquera la fin d’une époque et le début d’une autre pour le quatuor d’Athens. Après la sortie du disque, Bill Berry, éprouvé par ses soucis de santé, décidera de jeter l’éponge et de se retirer du jeu et le gang que l’on pensait indivisible se retrouvera amputé d’un de ses membres. Il lui faudra donc se réinventer ou mourir. R.E.M. relèvera le défi.

2 commentaires sur « Sur la route »

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