Clare au pays des merveilles
Clare & the Reasons The movie (2008, Fargo / Naive)
Après le faramineux Deserter’s songs de Mercury Rev, il sera question cette semaine d’un autre disque à même de vous élever bien au-dessus des petites pesanteurs terrestres avec ce premier album des remarquables Clare & the Reasons. Fille du musicien Geoff Muldaur, Clare Muldaur fait paraître deux albums en solo au début des années 2000, sans réellement parvenir (selon ses dires) à donner corps à la musique qu’elle conçoit dans sa tête. Elle finit par fonder avec son mari Olivier Manchon et une brochette d’autres musiciens (bassiste, violoncelliste, violoniste…) Clare & the Reasons en 2005 et cette nouvelle association va permettre à la jeune femme basée à Brooklyn de trouver sa voie, quelque part entre les nuages et les étoiles.
Pluto, I have some frightful news dear / In the New York Times / They’ve just reported you’ve been overthrown / From your solar throne for good
Pluto
Avec The movie, Clare & the Reasons convie l’auditeur à une sorte de féerie musicale, bien loin des modes et des tendances. Dans leur pays des merveilles, Clare Muldaur et sa troupe écoutent aussi bien de vieux airs de Broadway que les BO fabuleuses du grand Henry Mancini ou la pop céleste des Beach Boys ou de Van Dyke Parks qu’on retrouve d’ailleurs au piano sur le très beau Love can be a crime. Sans jamais pour autant paraître passéiste (le groupe ne cherche à rien ressusciter) ou coupé du monde, Clare & the Reasons joue dans sa bulle, parant ses chansons d’arrangements de haut vol (ah, ces cordes !) tandis que la voix cristalline de Clare Muldaur agit comme un baume apaisant qui vous enveloppe et vous transporte.
I like to cook for you in my underwear / Cause our kitchen points to a wall / And I like to talk to you when I brush my teeth / Cause I have so much to say
Cook for you
Bien planté au cœur de la musique, ce “film” en technicolor mêle charme et élégance et brille d’une fantaisie proprement délicieuse et d’une grâce à faire fondre. On ne s’étonnera guère de voir le génial Sufjan Stevens, esprit libre s’il en est, venir participer à la fête en assurant les chœurs sur le sublime diptyque Nothing / Nowhere. Parmi les hauts faits d’un disque qui n’en manque pas, on signalera le stellaire Pluto introductif qui vibre de toutes ses cordes en pizzicato pour consoler Pluton de s’être vue déclasser de son rang de planète par les instances astronomiques et qui ouvre le disque sous de célestes auspices. On retiendra aussi l’envolée magnifique de Science fiction man ou la légèreté soufflante de Rodi. Et on ne pourra que s’incliner de bonheur devant la reprise époustouflante du tube de Tears for Fears Everybody wants to rule the world, proprement transfiguré par ce groupe de magiciens. Le disque se conclut par une relecture en français de Pluto, qui tombe comme une pluie d’étoiles sur nos oreilles enamourées. Une chose est sûre, l’écoute de The movie vous procurera de beaux rêves éveillés.
Light makes flowers in your eyes / And shows your smile / And you make me want to do the same / Kiss my freckled lips / And then my sunburnt skin / And then let me lie and dream again
Sugar in my hair
Clare & the Reasons a remis le couvert en 2009 et donné avec Arrow un digne successeur à ce disque admirable. Il semble que le dernier album en date du combo KR-51 ne soit pas sorti par chez nous, mais peut-être un lecteur me détrompera.