La théorie des cordes
Tindersticks Tindersticks [the second Tindersticks album] (1995, This Way Up)
Avec un premier album au romantisme vénéneux et au spleen majestueux, les Tindersticks avaient conquis les cœurs des amateurs d’émotions fortes, accrochant au ciel de l’indie-rock des années 1990 une étoile noire d’un éclat unique.
Sur ce deuxième opus, le classieux sextet anglais continue de graver à l’eau-forte des lignes d’une beauté singulière, des traits emplis d’intensité dramatique. Loin des sentiers balisés alors par une brit-pop triomphante, les Tindersticks embarquent l’auditeur pour une traversée au long cours de 70 minutes, haletante et fiévreuse. Après les fascinants jeux d’ombres et de lumières du premier album, le groupe creuse une veine orchestrale de haute tenue, souvent vertigineuse. Les arrangements de Dickon Hinchcliffe composent un écrin idéal au timbre chargé et aux textes sombres de Stuart Staples, tantôt les ballottant au gré d’une houle de cordes sortie tout droit des compositions enfiévrées de Bernard Herrmann (Talk to me), tantôt les sublimant avec une grâce fragile (My sister ou Seaweed). Baignée des influences haut de gamme d’une poignée de francs-tireurs sans collier (Scott Walker, Velvet Underground, Love…), la musique des Tindersticks demeure néanmoins unique et seule au monde.
S’il est difficile de mettre en avant un titre plutôt qu’un autre dans un ensemble extrêmement homogène, il serait impensable de ne pas mentionner l’époustouflant My sister. Derrière le texte bourré d’humour noir récité par la voix caverneuse de Stuart Staples, une vie éclot, bruisse et grandit avant d’éclater en une fontaine de cordes et de cuivres pour s’arracher à la pesanteur terrestre. Entre ballades bouleversantes (Tiny tears, A night in) et cavalcades tendues comme des arcs (Snowy in F# minor, l’épique Talk to me), ce disque d’encre gratte nos cordes sensibles avec une constance bluffante. Le magnifique Travelling light, en duo avec Carla Torgerson des Walkabouts, démontre par ailleurs le goût du groupe pour les collaborations, les présences amicales d’Isobel Monteiro de Drugstore (My sister) ou d’un membre de Gallon Drunk venant le confirmer.
Les Tindersticks passaient donc haut la main l’épreuve parfois redoutée du deuxième album, affirmant leur place à part sur la scène pop-rock. Les ciels d’orages du groupe trouveront un écho particulier en France et le groupe collaborera bien vite avec la formidable Claire Denis pour la bande originale de Nénette et Boni, première pierre d’une entente fructueuse. Viendront ensuite le fabuleux Curtains en 1997 puis une discographie inégale déjà partiellement abordée dans ces pages.
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[…] le plus vibrant. On les trouve néanmoins un poil moins omniprésentes et tyranniques que sur The second Tindersticks album, légèrement plus partageuses en ce qu’elles laissent – avec bonheur – plus […]