Lambchop président !

Lambchop Nixon (2000, Merge Records)

Lambchop - Nixon

Vous reprendrez bien un peu de Lambchop ? En même temps, vous ne pouvez pas dire que je ne vous avais pas prévenus, vous ayant avertis il y a deux semaines que mon billet sur What another man spills devait initialement porter sur ce lumineux et intouchable Nixon. Ce n’était que reculer pour mieux sauter et il est donc temps ce soir de revenir sur ce merveilleux album, inépuisable source de joie depuis maintenant déjà quinze ans.

The kids out in the street / Take their toys and break them / Look at them, then walk away / The guy on the cross / Is holier than I / But then again he’s made of plastic

The old gold shoe

Avec son cinquième album studio (en six ans d’activité discographique et ce alors que Kurt Wagner exerçait encore parallèlement son métier de poseur de parquets), le groupe de Nashville atteint ici une sorte de plénitude, célébrant avec jubilation la rencontre charnelle de la soul et de la country – d’autres genres musicaux ne manquant pas néanmoins de s’inviter à la fête. What another man spills laissait plus qu’entrevoir les tentations soul de la troupe menée par Kurt Wagner, notamment avec une formidable reprise du Give me your love de Curtis Mayfield. Avec l’apport fondamental de Mark Nevers à la production, Lambchop réalise ici pleinement les fantasmes qui semblaient le démanger depuis quelque temps, lâchant la bride à des cuivres rutilants, des drapés de cordes dignes du What’s going on de Marvin Gaye, des rythmiques funky ondulantes et le recours occasionnel de Wagner à sa plus belle voix de falsetto. Ce faisant, le groupe fait définitivement tomber son étiquette « alternative country » car, même si la country demeure une composante fondamentale de l’ADN musical du combo, celui-ci démontre surtout sa capacité à élaborer un langage unique, mêlant soul, pop orchestrale, blues, jazz, funk et j’en passe.

And the neighbors have been drinking / And they are raising quite a stink / Pretty soon they will be fighting / It can get pretty ugly

Nashville parent

Nixon s’avère d’abord un disque proprement lumineux, déployant sous nos yeux ébahis toute une gamme de merveilleux chatoiements. You masculine you rayonne telle une aube efflorescente tandis qu’un soleil de juin illumine des morceaux comme l’époustouflant What else could it be ? ou le génial GrumpusNixon se joue d’ailleurs en plein été, balayant toutes les teintes se succédant entre juin et septembre, de la verdure éclatante de Grumpus aux zébrures rouge sang qui viennent gicler sur le terminal The butcher boy. Chaque chanson resplendit à sa façon et cette lumière semble émaner à la fois de la cohésion sans faille du groupe et du drôle de charisme de son meneur. Rassemblant alors près d’une quinzaine de membres, accompagnés ici par un ensemble à cordes et un chœur gospel sur certains titres, Lambchop parvient pourtant à une expression musicale d’une absolue justesse, chaque note et chaque silence paraissant à sa juste place. Les arrangements d’une grande richesse restent parfaits de subtilité et de fluidité, accompagnant le chant unique d’un Kurt Wagner au mieux de sa forme. Tantôt naviguant entre un phrasé presque parlé entonné de sa drôle de tonalité grave – comme un Leonard Cohen qu’on sentirait vraiment proche de nous – et un falsetto à la fois gauche et enchanteur, cette voix semble sortie droit du cœur d’un type qu’on prendrait volontiers pour confident, tant elle semble capable d’apaiser nos blessures ou de révéler nos fêlures, dans une proximité emplie de modestie souvent bouleversante. Et cette voix débite une poésie surréaliste et décalée, mêlant images absconses et saynètes de la vie de tous les jours, détails apparemment insignifiants mais révélant comme peu les petitesses et grandeurs de ce qui fait une vie.

Faithful friends all around you / Wonder why you feel so low / Look at me, if you really want to see / The comedy and the clown

Grumpus

J’aimerais ne pas abuser d’emphase ici, tant cette musique n’est jamais dans l’outrance mais dans la justesse mais il est difficile de ne pas simplement s’incliner devant la beauté simple qui se dégage de ces chansons pourtant sophistiquées. Si je devais dresser un tableau impressionniste de cet album, j’évoquerais dans le désordre : les claquements de main et le crescendo jubilatoire de Up the people, un The old gold shoe qui éclot comme une fleur, la griserie fragile de l’exceptionnel What else could it be ?, les papillons qui volettent autour de Grumpus, la déglingue inquiétante de The petrified florist, la noirceur brutale de The butcher boy, la simple perfection de The distance from here to her… Et d’autres choses encore mais ce serait trop long, je vous conseillerais donc simplement d’écouter, de prendre le temps.

And when you see her smile you live the fever for a little / While you’ll never ever leave her my crippled friend

The petrified florist

Nixon marque une sorte de sommet exaltant dans l’œuvre de Lambchop mais curieusement, le groupe cessera d’explorer plus avant ces territoires explicitement soul dans ses albums ultérieurs. Le line-up du combo se resserrera, notamment pour de bêtes raisons économiques, et le groupe ira sillonner d’autres paysages, avec le plus hivernal mais toujours exceptionnel Is a woman. Vous n’avez pas fini d’entendre parler de Lambchop par ici.

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