Les joyaux de l’orfèvre
Colin Blunstone One year (1971, Epic)
Pour tout amateur de musique pop, le nom des Zombies brille forcément d’un éclat particulier, tant leur Odessey and oracle de 1968 figure en bonne place au panthéon des grands albums du genre. Même si j’avoue ne pas placer ce disque à hauteur d’autres monuments de l’époque (tel le prodigieux Pet sounds des Beach Boys) , je m’incline néanmoins avec ferveur et émotion devant des perles de chansons comme Care of cell 44 ou Hung up on a dream. Je reviendrai peut-être un jour ici sur ce disque légendaire, mais aujourd’hui, je préfère aborder le premier album solo de l’ex-chanteur des Zombies, Colin Blunstone, dont la voix d’ange rehaussait encore les compositions cristallines du duo Rod Argent / Chris White.
Après la séparation des Zombies (juste avant la sortie d’ Odessey and oracle), Blunstone décide dans un premier temps de se retirer du monde de la musique, travaillant notamment dans une compagnie d’assurance. Le succès « posthume » du merveilleux Time of the season le sort de sa retraite et le remet en selle. Blunstone se lance donc en solo avec ce One year qu’il enregistre en un an (d’où le titre) entre 1970 et 1971, épaulé par les deux cerveaux des Zombies, Argent et White, qui lui offrent quelques compositions et quelques arrangements. Blunstone apporte néanmoins ses propres morceaux et le résultat est proprement remarquable.
Avec ce premier album (réédité en 2002) , Blunstone s’inscrit pleinement dans la veine orchestrale précieuse et élégante des Zombies. Posant son chant d’une grande pureté, Colin Blunstone navigue entre romantisme et onirisme, semblant flotter quelque part hors du temps, dans un ciel de beauté et d’innocence. L’album alterne morceaux pétulants et splendides comme le génial She loves the way they love her introductif ou l’étincelant Mary won’t you warm my bed, avec des titres plus introspectifs, emplis d’une mélancolie fine. On évoquera notamment l’envoûtant Misty roses, qui s’ouvre en son milieu sur une étonnante clairière de cordes, et s’inscrit dans la lignée des sortilèges du magicien Nick Drake. Blunstone atteint même des sommets d’émotion avec le magnifique Caroline goodbye (composition de son cru) et surtout le grandiose Say you don’t mind emprunté au répertoire de Denny Laine, qu’il porte à des hauteurs vertigineuses nous embuant les yeux à chaque écoute.
Depuis lors, Blunstone mène une carrière toute en discrétion, faisant paraître des albums à intervalle irrégulier. Il est revenu en ce début d’année avec un nouvel album, The ghost of you and me, encensé par l’excellent François Gorin mais que je ne connais pas, pas plus que je ne connais d’ailleurs d’autres disques du bonhomme. J’aurai certainement l’occasion d’en croiser dans les années à venir. J’ai toujours plaisir en tout cas à revenir à ce disque d’orfèvre, porté par la voix vaporeuse de cet homme au visage adolescent, brillant d’un charme irréel.