Pop art
The Divine Comedy Bang goes the knighthood (2010, Divine Comedy Records)
J’avais presque fini par oublier Neil Hannon. Plus exactement, j’avais presque oublié que l’Irlandais était encore actif et si son triptyque majeur des années 1993-1996 (Liberation, Promenade, Casanova) tournait encore fréquemment sur ma platine, j’étais joyeusement passé à côté de son Victory for the comic muse de 2006, restant sur le souvenir mitigé de son Absent friends de 2004. Constatons également que le songwriter génial célébré au milieu des années 1990 était presque relégué au rang de has-been, et que sa flamboyance un peu désuète ne rencontrait plus guère d’écho auprès de la critique et du public… Honte à moi d’avoir été à mon tour gagné par le doute… Avec Bang goes the knighthood, un Hannon en grande forme nous offre sans doute son meilleur disque depuis son colossal Casanova d’il y a déjà quinze ans.
Neil Hannon revêt une nouvelle fois les atours de The Divine Comedy pour se faire le héraut d’une certaine idée de la chose pop, troussant des mélodies imparables et des orchestrations grand format avec une déconcertante facilité. Et si, par le passé, l’homme se laissait parfois griser par son propre talent en versant dans la surenchère orchestrale ou en semblant se satisfaire du minimum syndical (pour lui déjà au-dessus d’une bonne partie de la production contemporaine), il évolue ici sur la plupart des morceaux dans un registre plus retenu. Pas question pour autant de jouer profil bas où de “devoir de grisaille”. Hannon fait cohabiter richesse des arrangements et délicatesse des sentiments, relevant le gant jeté des décennies plus tôt par quelques autres orfèvres aux idées fortes, des Beatles à Bacharach en passant par Gershwin. Hannon brille également par ses dons de parolier, et un humour très anglais qui vient encore rehausser la saveur de ses compositions.
Le disque s’ouvre avec l’éblouissant Down in the street below, formidable morceau à tiroirs culminant en panoramique sur une salle de bal impériale enivrée de violons en majesté. Hannon nous balade au gré des diverses facettes de son talent, peignant saynètes et portraits avec une fascinante agilité de plume. Sur The complete banker, il donne à entendre une fabuleuse description des rouages de la crise financière en se plaçant dans la peau d’un requin de la City puis file en suivant aux trousses d’une aguichante Neapolitan girl. On admirera aussi la délicatesse printanière de Have you ever been in love et son piano gazouillant et The Divine Comedy nous offre une merveilleuse madeleine avec ce At the indie disco qui nous ramène une quinzaine d’années en arrière : “We drink and talk ’bout stupid stuff / And hit the floor for Tainted love / You know I just can’t get enough / Of the indie disco”. Pas question non plus de passer sous silence les vertiges ascensionnels procurés par Assume the perpendicular ou le génial et facétieux Can you stand upon one leg, sur lequel Hannon se met en scène en homme de défis absurdes, brillamment relevés pour terminer sur la tenue d’une note en apesanteur “for a stupidly long time” (pas loin de 25 secondes). Le disque se clôt sur l’admirable I like qui démontre rien moins que la modernité éternelle de l’art pop quand il est exécuté avec tant de prestance.
Ravi de retrouver un ami de longue date, on se sent presque honteux de l’avoir quelque peu délaissé et on regrettera surtout qu’un tel talent ne trouve pas plus d’écho public.
2 réponses
[…] tranchera avec le dépouillement folk des Kings of Convenience avec ce fantastique extrait du dernier (et remarquable) album en date du prodigieux Neil Hannon, sur lequel le génial Irlandais fait montre une fois de plus de […]
[…] talent du génial Neil Hannon pour relever le gant avec brio. Sur ce titre extrait de son excellent Bang goes the knighthood, le divin Irlandais déploie l’étendue de sa magie et de son savoir-faire le temps de trois […]