Fleet Foxes Fleet Foxes (2008, Bella Union)
Les Fleet Foxes se forment en 2006 à Seattle autour de Robin Pecknold et Skyler Skjelset, deux camarades de lycée qui se retrouvent autour d’un commun amour pour les disques de Dylan, Neil Young ou Brian Wilson. Il suffit de quelques concerts pour que le groupe attire l’attention du producteur local Phil Ek, aperçu notamment derrière la console sur les disques des Shins. Celui-ci les aide à enregistrer un premier EP et la cote de popularité du groupe grimpe progressivement – notamment via sa page MySpace. Les labels ne tardent pas à faire le pied de grue devant la porte des jeunes barbus et c’est finalement Sub Pop, l’écurie phare de Seattle, qui décroche la timbale. Un deuxième EP, Sun giant, paraît début 2008 qui reçoit d’élogieuses critiques. C’est peu dire que le premier album du groupe est alors attendu ; les espoirs qu’il avait suscités ne seront pas déçus et Fleet Foxes sera extrêmement bien accueilli par la presse spécialisée, figurant en très bonne position dans nombre de palmarès de la fin d’année 2008.
Come down from the mountain / You have been gone too long / The spring is upon us, follow my only song / Settle down with me by the fire of my yearning / You should come back home, back on your own now
Ragged wood
J’ai succombé moi aussi au charme intemporel du groupe – malgré quelques (très) légères réserves que j’exprimerai plus bas. Comme Alela Diane ou le Ben Harper des débuts, les Fleet Foxes sidèrent par la maturité qui exsude de leur musique, tant leurs chansons semblent parvenir d’une autre époque et avoir utilisé pour véhicule le corps et la voix de ces jeunes gens d’à peine plus de vingt ans. Apparemment aussi étrangère aux sirènes de la mode qu’aux salons des barbiers, cette troupe de jeunes hirsutes inscrit ses mélodies aériennes et ses harmonies vocales lumineuses dans la grande tradition folk-rock – aussi bien anglais qu’américain – et on retrouvera dans leurs morceaux les traces étoilées des Byrds, de David Crosby, de Neil Young ou de Fairport Convention. La singularité des Fleet Foxes tient en la part essentielle jouée par le chant dans leur musique. Pecknold et sa bande tissent des harmonies vocales proprement merveilleuses, empruntant autant aux Beach Boys qu’au chant grégorien ou à ce qu’on imagine être les airs des troubadours médiévaux. Comme le James des débuts – mais dans un registre fondamentalement différent – les Fleet Foxes semblent chanter comme on le faisait aux temps les plus reculés, pour exorciser la peur du monde, braver l’inconnu, se grandir un peu et faire corps, ensemble, dans l’unisson des voix. Et ce chœur des hommes qui s’élève emmène avec lui l’auditeur, le force à lever les yeux vers le ciel ou vers les autres là tout près, à s’arracher au monde. C’est tout simplement très émouvant.
In the gentle light, as the morning nears / You don’t say a single word of your last two years / Well you will be, you’ve reached the frontier / I didn’t understand
He doesn’t know why
Il serait cependant injuste de réduire les Fleet Foxes à une troupe de choristes inspirés, tant le songwriting de Robin Pecknold s’avère souvent brillant, digne de ses plus illustres influences. On ne cessera ainsi de célébrer la majesté de ce White winter hymnal tourneboulant (quel canon !) ou de l’époustouflant He doesn’t know why, meilleur morceau du Band qu’on ait jamais écouté, où tout semble s’accorder (la voix, les guitares, le piano) dans une communion bouleversante. Ces deux chansons seules auraient suffi à justifier l’écoute du disque mais Pecknold ne s’arrête pas là. Un Ragged wood virevoltant nous fera voyager par la pensée dans un bal estival en pleine campagne américaine, avec une partenaire faisant tourner sa robe à volants sous le soleil de juin. Quiet houses paie son tribut aux Beach Boys intouchables de Pet sounds tandis que des morceaux comme Your protector ou Blue Ridge mountains brûlent d’un lyrisme vibrant. Quant aux (petites) réserves que j’évoquais plus haut, elles tiennent à un je-ne-sais-quoi, peut-être paradoxalement un trop-plein d’innocence ou de pureté qui rend les titres les plus faibles un brin ennuyeux, jolis mais sans relief (Meadowlarks, Oliver James, voire Tiger moutain peasant song). Mais les splendeurs qui parsèment l’album font quand même nettement pencher la balance du côté clair. Et avoir choisi un extrait d’un tableau de Bruegel pour illustrer la pochette de l’album ne fait que rehausser l’affection que l’on vouera au groupe.
Terrible am I child ? / Even if you don’t mind
Blue Ridge mountains
Les Fleet Foxes ont fait paraître un deuxième album en 2011, Helplessness blues, qui se révèle peut-être bien supérieur à ce premier opus. On en reparlera très vite et en attendant, chantez vous aussi en canon sur le fabuleux White winter hymnal.