Shake, baby, shake !
Alabama Shakes Boys & girls (2012, Rough Trade)
Comme leur nom l’indique, les Alabama Shakes viennent d’Alabama et comme leur nom l’indique aussi, les Alabama Shakes vont vous secouer – et pas qu’un peu.
Bless my heart / Bless my soul / Didn’t think I’d make it to 22 years old
Hold on
Le quatuor se forme donc à Athens, Alabama (à ne pas confondre avec Athens, Géorgie, patrie – entre autres – de R.E.M.) à quelques encablures des mythiques studios de Muscle Shoals, où Otis Redding, Aretha Franklin ou les Rolling Stones, vinrent – parmi d’autres – enregistrer. C’est à croire que les bonnes vibrations en provenance de ce lieu mythique se sont propagées du côté d’Athens, tant les Alabama Shakes auraient certainement pu eux aussi y enregistrer leurs chansons volcaniques, sans faire aucunement tache aux côtés des prestigieux noms cités ci-dessus.
I feel so homesick, where’s my home / Where I belong or where I was born / Now, I was told to go where the wind would blow / And it blows away
Rise to the sun
Les Alabama Shakes revendiquent en tous cas clairement une approche qu’on qualifiera de vintage de la musique, allant piocher dans les éternels grimoires soul et rythm and blues la matière hautement inflammable de leurs morceaux. Et quand Brittany Howard, l’impressionnante chanteuse du combo, avoue que ses goûts de jeunesse faisaient tache au milieu de camarades de classe davantage portées sur Usher ou TLC, on la croira sur parole. Mais si la musique des Alabama Shakes est farouchement ancrée dans une tradition brûlante, on peinera à y dénicher la moindre once de passéisme, tant le groupe fait preuve d’une énergie et d’une spontanéité imposantes. Et si on pourra voir dans les Alabama Shakes une manifestation supplémentaire du revival soul constaté depuis le carton d’Amy Winehouse, on ne saurait en aucun cas les considérer comme de simples suiveurs. Le quatuor d’Athens ne donne pas dans l’exercice de style mais s’approprie avec talent le langage musical qui lui va le mieux au teint, confirmant par la même occasion son éternelle actualité.
So be mine / So be my baby / Just say alright / Forever and alright
Be mine
Parmi toutes les nuances présentes sur la palette soul, les Alabama Shakes ont choisi les tons les plus fauves, préférant les rugissements et les coups de griffes aux feulements langoureux de la soul de soie. Car le groupe affiche un goût prononcé pour l’électricité, qu’elle vienne de la rage punk ou des déflagrations turgescentes de Led Zeppelin. Le chant de Brittany Howard donne le la, vecteur de cette rage fulminante, emplie de sueur et de sexualité. A l’écoute de ces 11 morceaux expédiés en à peine plus de 35 minutes, on pensera d’abord à quelques grands groupes rock – qu’on qualifierait là aussi de roots – des White Stripes aux Black Keys (Hold on) en passant par les foudroyants Bellrays (cf. le tempétueux Rise to the sun). On pense ensuite à quelques grands vivants de la musique soul, d’Aretha Franklin à Otis Redding, quand Brittany Howard lâche les chevaux le temps des déchirants Heartbreaker ou Be mine. Qui dit soul dira aussi gospel, dont on retrouve les traces sacrées sur des titres comme On your way ou l’emballant I found you. Et pour cet épatant mélange de rock blanc et de musique noire, on pensera carrément aux Stones majeurs d’ Exile on Main Street (toutes proportions gardées), le temps d’un Hang loose qu’on aurait bien entendu dans la bouche de Jagger.
Mama couldn’t tell me about the feeling / And all them love sick songs – well / They got true meaning
Heartbreaker
Au final, les Alabama Shakes réalisent avec ce premier album décoiffant de fort prometteurs débuts. Boys & girls, en plus de posséder un son fantastique, révèle aussi la personnalité imposante et attachante de Brittany Howard, boule de nerfs et d’émotions bigger than life qui embrase l’album. Du bel ouvrage, assurément…