Feux d’artifice
The Boo Radleys Giant steps (1993, Creation)
Il n’aura donc fallu qu’une année à peine aux Boo Radleys pour faire éclore les prometteurs bourgeons d’ Everything’s alright forever. Une année pour éclaircir les brumes baignant les méninges du génial Martin Carr, une année pour faire jaillir de ce cerveau bouillonnant un feu d’artifice inouï et le confirmer comme un songwriter de premier ordre.
The lake is almost frozen / The grass is silver air / The wind is high in the blue sky / I wish that I could care
Barney… and me
Il fallait être gonflé pour intituler un album du nom d’un disque de John Coltrane mais, à l’écoute de ces 17 chansons, on devine que plus rien ne semble faire peur à un Martin Carr proprement désinhibé. Alors que le groupe regardait encore trop souvent ses chaussures sur son précédent opus et tendait à camoufler ses chansons derrière un mur sonore plus vaporeux que consistant, les Boo Radleys lèvent les yeux et osent regarder le soleil en face, sans craindre de s’y brûler la rétine. Martin Carr se confronte à ses ambitions et ses fantasmes et Giant steps se révèle un fantastique patchwork, mêlant dans son chaudron fumant toutes les influences et les marottes de son principal concepteur. Des trompettes de Love aux mélodies célestes des Beach Boys en passant par les lavis sonores de My Bloody Valentine et les fumées du reggae, Carr ne se refuse rien et réussit tout (ou presque). Il joue les artificiers de haut vol, tandis que le chant délicat de Sice apporte comme toujours un judicieux contrepoint, sorte de bouée flottant tel un point d’ancrage au milieu des tempêtes déclenchées par son comparse.
Just drop me here / I can find my way clear back to my house
Thinking of ways
Pendant plus d’une heure, les Boo Radleys parviennent à maintenir (ou presque) un très haut niveau de jeu, s’éparpillant façon puzzle sans jamais pour autant saouler l’auditeur. L’album s’ouvre par un I hang suspended turbulent aussitôt suivi d’un Upon 9th and fairchild proprement fabuleux, plongeant une rythmique dub dans un magma de larsens pour donner naissance à une fascinante chanson pop mutante. Martin Carr et sa bande dévorent d’un appétit d’ogre tous les genres passant à leur portée, refusant à la pop son petit confort pour finalement l’envoyer au septième ciel. Car Carr a bien de l’or entre les doigts, se permettant d’aligner des merveilles comme Wish I was skinny ou Thinking of ways, pas si loin des sommets autrefois arpentés par leurs congénères liverpudliens des Pale Fountains. On s’inclinera aussi devant l’immense Barney (… and me), qui pétarade à l’essence d’arc-en-ciel ou devant la grâce lumineuse de Take the time around. Et on n’oubliera pas de sitôt ce Lazarus gargantuesque, dont les basses ventrues viennent rebondir allègrement sur les parois de notre cerveau avant que des trompettes triomphantes viennent tout faire exploser. L’album se clôt avec la comptine enchantée The white noise revisited, qui vient ajouter une ultime note d’innocence à cette redoutable pièce montée, sucrée et acide, jamais écœurante.
As the vultures circle / And the bills and demands / Fill the floor / It’s been 3 weeks and 3 days / Since I last stepped out the door
Upon 9th and fairchild
Giant steps demeure un disque important qui porte haut ses vingt ans et n’a à mon sens pas pris une ride. Les Boo Radleys reviendront en 1995 avec le très réussi Wake up !, moins ambitieux mais d’une fraîcheur revigorante. Viendront ensuite C’mon kids (que je ne connais pas) et un Kingsize qui scellera très dignement la fin de l’aventure.
2 réponses
[…] leur Giant steps de 1993, les Boo Radleys avaient réussi un véritable coup de maître, le cerveau fumant du pilote […]
[…] ma fréquentation assidue depuis près de 20 ans de son gargantuesque successeur, le bien-nommé Giant steps de […]