Éloge de la lenteur
Mojave 3 Ask me tomorrow (1995, 4AD)
Après la fin d’une aventure de six années au sein du groupe Slowdive, une des figures de proue du mouvement shoegaze anglais au tournant des années 1990, il n’aura fallu que quelques semaines à Neil Halstead, Rachel Goswell et Ian McCutcheon pour donner une nouvelle incarnation à leurs transports en commun. A vrai dire, Neil Halstead avait déjà sous le coude une bonne demie-douzaine de chansons ; à peine Slowdive congédié par son label Creation, il enregistra quelques démos avec deux de ses anciens coreligionnaires, démos qui lui valurent d’être accueilli les bras ouverts sur le label 4AD et donner ainsi naissance à ce Ask me tomorrow.
Lovers all around her / She wears them like her jewels / My friend said she’s all he needs / To feel alive
Love songs on the radio
Sur ce premier album, Mojave 3 s’aventure sur les brisées d’un renouveau country-folk bouillonnant alors de l’autre côté de l’Atlantique. Mais il le fait avec ses propres atouts, organisant dans un halo de douceur la rencontre entre les Cowboy Junkies diaphanes des Trinity session et les miracles engourdis du troisième album du Velvet Underground. Véritable éloge de la lenteur, Ask me tomorrow diffuse une drôle de mélancolie aérienne, semblant évoluer dans un cocon cotonneux dans lequel l’auditeur alangui se retrouve happé. Le batteur frotte doucement ses peaux de ses balais, le piano et la guitare slide s’entremêlent pour créer d’élégantes perturbations sensorielles tandis que les voix de Halstead et Goswell se rejoignent et se répondent avec grâce.
Curtains drawn / You’ll miss the light / Your dawning spell will be broken / Vanished days are hard to find / Half life dreams will not be worth much
You’re beautiful
On osera même parler de religiosité tant certains des titres ici présents imposent une sorte de recueillement et semblent faire silence autour d’eux, tels ce merveilleux You’re beautiful (rien à voir avec la bouse de James Blunt) ou ce Candle song 3 comme transi par la neige, idéal pour des fêtes de Noël apathiques. Si certains titres pêchent néanmoins par un excès de monotonie, Mojave 3 parvient à insuffler dans ses meilleures chansons un lyrisme et une calme intensité d’une grande beauté, comme sur Tomorrow’s taken ou Where is the love ?, ma petite préférée du lot. Le terminal Mercy déploie également une certaine puissance dramatique qui le rend très émouvant.
Wish I could just tell you I care / I love you I need you and I am still scared
Where is the love ?
Mojave 3 continue depuis son bout de chemin, ayant su faire évoluer au fil de ses différents albums son spectre musical pour sortir peu à peu du cocon musical bâti avec ce premier opus, plaisant et confortable mais pouvant s’avérer à terme sclérosant. J’aurai certainement l’occasion de revenir ici sur Spoon & Rafter (2003) ou Puzzles like you (2006). A noter que Rachel Goswell et Neil Halstead sortent également chacun de leur côté des disques en solo, le dernier en date du bonhomme, Palindrome hunches, venant juste de paraître et se révélant une fort jolie chose très recommandable.
2 réponses
[…] et Rachel Goswell avaient doucement chamboulé nos petits coeurs sensibles avec leur superbe Ask me tomorrow de 1995, merveille de pop-folk translucide jouée au ralenti. J’avais retrouvé Mojave 3 il y […]
[…] Halstead et Rachel Goswell depuis 1995, faisant suite aux lavis électriques de Slowdive. Après un premier album de folk torpide et cotonneux dont je chéris encore aujourd’hui les moments les plus vibrants comme de précieux joyaux, […]