Parenthèse enchantée
Parenthetical Girls Privilege (abridged) (2013, Splendour Records)
Il est maintenant temps de reprendre sérieusement le collier et j’attaquerai donc cette rentrée avec un disque tout récent puisque paru en début d’année, le quatrième album des Parenthetical Girls. Pour être honnête, je ne savais proprement rien de ce groupe américain avant de voir vantés les mérites de ce Privilege (abridged) sur l’excellent blog La musique à papa. Les louanges de ce fort recommandable confrère (?) ayant attisé ma curiosité, je m’en suis allé jeter une oreille aux chansons de ce combo mené par l’ardent Zac Pennington et je n’en fus pas déçu, bien au contraire.
But sure of course there’s shame / In certain things I may have done / But shame is not even worse / And philandering’s the one thing even I can’t afford
On death & endearments
Formés en 2002, les Parenthetical Girls firent paraître trois albums entre 2006 et 2008 dont le dernier sorti, Entanglements, leur valut une certaine attention critique. Le groupe s’embarqua alors dans une nouvelle expérience discographique pour le moins arty, entreprenant de sortir 5 EP, chacun portant sur la pochette un portrait dessiné d’un des membres du groupe, chacun nommé Privilege et chacun tiré en 500 exemplaires numérotés au sang du membre représenté sur sa pochette. Au final, Pennington et ses acolytes décidèrent de tirer le meilleur de ces 5 EP pour en proposer un « abrégé », ce Privilege (abridged) dont il sera ici question.
You’re short on grace / But you’ve an empty space / And I fit just right / Yes I fill just right
The common touch
Ne connaissant pas les travaux antérieurs du groupe, je ne saurai situer précisément ce disque dans son évolution musicale ; il révèle en tous cas d’indéniables aptitudes de touche-à-tout. Parenthentical Girls navigue ici avec talent à travers une diversité de styles, passant par le glam, l’électro-pop, la pop à guitares ou la ballade élégiaque, mais imprimant toujours sa marque, cette flamboyance vénéneuse qui émane de chaque chanson. L’interprétation théâtrale (certains diront maniéré) de Zac Pennington impose une présence volontiers décadente, encore rehaussée par des textes d’un romantisme noir, à la préciosité dandy tantôt touchante, tantôt un brin agaçante.
We’re all reckless romantics / Why fight the function we’ve been furnished with ? / There’s no good way to say this / Then just to take it on the chin
Careful who you dance with
Le disque n’en constitue pas moins une vraie réussite, tant le groupe sait jongler habilement avec ses rutilantes influences, de Bowie (l’introductif Evelyn McHale à l’ADN toute hunky-doryesque) à Suede (The pornographer) en passant par les Smiths (le pétulant A note to self). Parenthetical Girls excelle à parer sa musique de teintes noctambules et venimeuses. Sur l’électro-pop fiévreuse de Careful who you dance with, on imagine ainsi Pennington déambuler le teint hâve au milieu des promesses et dangers d’une nuit enfiévrée. Le groupe livre aussi plusieurs morceaux en forme de dérives crépusculaires, qui cheminent solitaires sous les néons, notamment les magnifiques On death & endearments« , Sympathy for spastics ou The privilege. Le disque se clôt sur l’électro-pop brumeuse de Curtains, qui tire justement le rideau sur ce recueil fascinant, qui refuse avec brio la grisaille et la tiédeur, pour une parenthèse joliment enchantée.
Une des belles réussites de l’année assurément.