Déclarer sa flamme
La playlist du soir sera consacrée à … la bougie, sa flamme tremblante qui réchauffe et éclaire. En Lyonnais de cœur, j’aurais pu attendre le 8 décembre mais cela m’aurait sans doute semblé trop convenu. C’est donc parti pour dix chansons lumineuses, brûlantes ou réconfortantes, en tous cas jamais cireuses.
1. Thomas Fersen La chandelle (1999, Qu4tre)
On commencera par celle-ci, puisque c’est à partir de cette Chandelle que m’est venue l’envie de dérouler le fil de cette sélection. L’occasion toujours bonne d’écouter une fois de plus cette valse mélancolique et gracieuse, teintée d’ambiguïté, qui vient clore de la plus belle des façons le remarquable Qu4tre dont j’ai parlé il y a seulement quelques semaines.
2. Sonic Youth Candle (1988, Daydream nation)
Candle, comme la bougie de Gerhard Richter (cf. supra) qui illustre la pochette légendaire d’un album qui ne l’est pas moins, et qui demeure pour moi un jalon crucial de mon éveil musical. On retrouve sur ce morceau toute la lumière et la fulgurance qui habitent l’intégralité de Daydream nation, avec ici une forme de sérénité chaotique traduisant l’inspiration d’un groupe au sommet de son art. Le secret de Sonic Youth sera justement de savoir gravir plusieurs sommets au fil d’un parcours qu’on n’arrive toujours pas vraiment à croire achevé.
3. Ian Mc Culloch Candleland (1989, Candleland)
Ni inconditionnel ni même grand connaisseur d’Echo & the Bunnymen, j’ai toujours eu un faible pour ce titre extrait de ce disque solo de leur irascible leader, album à la fois bancal et émouvant. Les bougies illuminent ici un paysage de conte de fées, nimbé par la voix neigeuse de Liz Fraser, dont la pureté touchante révèle à découvert les traits d’un cœur blessé.
4. Tue-Loup La bougie (1998, La bancale)
Les quatre Sarthois de Tue-Loup firent une irruption pour le moins remarquée sur le devant de la scène avec ce disque bilieux et splendide, rencontre improbable entre Swell et Jean-Louis Murat. Cette Bougie toute en faux calme et en colère rentrée scintille parmi les autres bijoux qui sertissent cet album imposant, exemple de blues à la française comme on n’en avait jamais entendu (ou presque) alors par ici et comme on n’en a guère rencontré depuis.
5. Mojave 3 Candle song 3 (1996, Ask me tomorrow)
Tout frais sortis de l’aventure Slowdive, Neil Halstead et Rachel Goswell sortaient en 1996 sous ce drôle de patronyme ce premier album de sommeil et de cristal, déroulant un mélange de folk, de country et de pop à une vitesse approchant les excès de lenteur des Américains de Low. On y trouvera une nuée de titres magnifiques, telle cette somptueuse Candle song 3 dont la lueur torpide vient en remontrer aux Cowboy Junkies en lévitation des Trinity sessions.
6. The Zombies Brief candles (1968, Odessey and oracle)
Grand œuvre encore trop méconnu, Odessey and oracle des Zombies figure une des plus imposantes cathédrales bâties à cette époque dorée de la pop, qu’on aborde d’ailleurs encore avec un brin d’inhibition. Brief candles illustre le mélange de candeur et de nostalgie qui habite le disque, balançant constamment entre tristesse et allégresse. La flamme pure de ces bougies libère en tous cas un éblouissant feu d’artifice de couleurs et d’émotions sous nos yeux ébahis.
7. Beck Hotwax (1996, Odelay)
Extrait d’un disque qui fut lui aussi un fidèle compagnon de route, ce Hotwax démontre l’incroyable faculté du Beck d’alors à digérer et recracher tous les styles de la musique populaire américaine pour en distiller un breuvage aux vertus innombrables. La “cire chaude” de ce morceau coule en torrent, quelque part entre les Beastie Boys et JJ Cale, pour venir vous chauffer le popotin et vous entraîner dans une jubilatoire danse de Saint-Guy. Simplement démoniaque.
8. Elliott Smith Roman candle (1994, Roman candle)
Le morceau qui ouvre le premier album solo de l’immense Elliott Smith révèle déjà la force émotionnelle du compositeur, cette façon unique de faire vibrer l’air autour de ses chansons avec une simple guitare et une voix dédoublée. La flamme de la bougie tremble mais Dieu qu’elle brûle fort, et finira même par consumer son auteur.
9. Shout Out Louds The candle burned out (2010, Work)
Je ne connais pas très bien les disques de ces Suédois, mais ce morceau de pop “à la manière” des Shins m’est éminemment sympathique. De quoi siffler sous la douche et coller à nos matins bonne humeur.
10. Beirut A candle’s fire (2011, The rip tide)
On conclura avec le souffle voyageur de Beirut, dont le feu sacré pourrait servir à gonfler plusieurs montgolfières. Ce morceau panoramique figure un morceau de bravoure supplémentaire à rajouter au plastron du brillant Zach Condon, histrion joufflu s’amusant à souffler dans les voiles du folk en l’ouvrant à tous les vents, de l’Est comme du Sud, pour notre plus grand bonheur. La flamme de la bougie rend nos ombres plus grandes, une vie augmenté en somme, comme la musique de Beirut. On jurerait qu’elle ne s’éteindra pas de sitôt.