Sang chaud, nerfs d’acier
The Kills Blood pressures (2011, Pias)
Pour être franc, on commençait à les attendre quelque peu au tournant. Devenus icônes rock et glamour, têtes de gondole de marchands de mode so cool et so hype, on redoutait que leur musique ne se laisse à son tour gagnée par cette forme d’asepsie, délaissant le goudron fumant de premiers albums braseros (Keep on your mean side et No wow) pour une rock and roll attitude de papier glacé. C’était sans compter sur la flamme et l’intelligence dont continue de faire preuve notre impeccable duo.
Si les Kills ne retrouvent pas complètement la fulgurance sauvage de leurs deux premiers opus, ils confirment après le très convaincant Midnight boom que leur volonté affirmée de s’inscrire dans la durée – à l’instar de quelques-uns de leurs modèles, de Fugazi à Sonic Youth – repose sur des fondations solides. Alison Mosshart (aka VV) et Jamies Hince (aka Hotel) continuent ainsi de faire jaillir de leur chaudron bouillant un flot volcanique et sensuel, mêlant blues-rock électrique et électro-rock nyctalope, tentant de faire danser le fantôme du Velvet Underground sous les stroboscopes.
Si une partie du disque se joue en terrain connu, l’élégance du geste emporte une nouvelle fois le morceau, comme sur l’écorché Heart is a beating drum ou le tendu DNA. Malgré quelques titres moins réussis (le convenu Damned if she do ou l’entêtant Nail in my coffin), Hince et Mosshart parviennent à conserver l’alchimie brûlante qui les rend si singuliers. Le génial Future starts slow allume la mèche en début d’album, un écrin de guitares en acier trempé venant rehausser la sensualité torride du morceau. Les Kills apportent néanmoins quelques nouveaux ingrédients à leur cuisine, telles ces vapeurs de reggae ébouillanté sur le soufflant Satellite, ou les sonorités pop de Baby says dans lesquelles se drape le chant d’Alison. C’est encore ce chant que met en avant le touchant The last goodbye, sur lequel notre VV préférée se montre plus à nu que jamais, mise en confiance par trois années passées à tourner avec son projet parallèle de Dead Weather. Hotel y va lui aussi de sa ballade, le lennonien et embué Wild charms, tandis que l’excellent You don’t own the road expédie The Gossip jouer dans le désert plutôt que dans les clubs.
Avec ce quatrième album, les Kills gardent le cap, ambassadeurs sexy en diable d’une musique à la verdeur intacte, à la flamme toujours vive. Blood pressures et pas qu’un peu, de celle qui pulse dans les veines un sang de lave.
1 réponse
[…] L’aventure musicale des Kills débuta à l’aube de ce siècle par une forme pour le moins artisanale de peer-to-peer : l’Anglais Jamie Hince (aka Hotel) et l’Américaine Alison Mosshart (alias VV) commencèrent par échanger des idées de morceaux par la poste transatlantique, avant que la Floridienne ne se décide à prendre l’avion pour donner corps à cette alchimie naissante. Débarqués pile au bon moment, dans le sillage du « retour du rock » initié par les Strokes, les Libertines et autres White Stripes, le duo allait incarner avec un vrai talent et une légère dose de rouerie un rock stylé et sexy, brut et furieusement sensuel. Comme les White Stripes, les Kills affichaient leur goût pour le blues des origines et allaient eux aussi se bâtir une imagerie marquante. Mais alors que la paire de White plongeait son blues-rock dans un chaudron fumant où punk, garage, pop et volutes psychédéliques se mêlaient, les Kills se référaient plutôt à la fièvre sauvage du Velvet Underground, des Stooges ou des Cramps. Après deux premiers albums brûlants, le groupe introduisit dans sa musique davantage de souplesse et d’immédiateté pop. S’il ne retrouva jamais vraiment la tension farouche de ses deux premiers opus, le duo se révéla suffisamment intelligent pour demeurer pertinent et livrer des disques toujours attendus avec intérêt, sans que son statut d’icône rock pour pub Calvin Klein ne le disqualifie outre-mesure. Alors que vient de paraître un cinquième opus dont il faudra encore quelque temps pour tirer la substantifique moelle, voici une sélection toute personnelle de 10 morceaux phares piochés dans la discographie du groupe. Malgré la supériorité évidente à mes yeux de Keep on your mean side et No wow, cette playlist s’avère en fait assez représentative des différents atouts musicaux du groupe puisque 3 titres sont extraits de Midnight boom et 1 de Blood pressures. […]