Aux (sombres?) héros de la mer

Photo : Jean-Marie Liot
Photo : Jean-Marie Liot

Puisqu’on a beaucoup parlé cette semaine de la victoire du jeune François Gabart dans le Vendée Globe Challenge et même si je ne m’intéresse absolument pas à la voile ou aux choses de la mer, la playlist de la semaine tournera – de plus ou moins près – autour de la navigation et des marins. Et essaiera de vous faire larguer les amarres en dix morceaux…

1. The Married Monk The sailor song (1996, The Jim side)

On se rend compte avec le temps qu’on apprécie de plus en plus les chansons sans collier de ces Rennais trop méconnus. Ce Sailor song languide sur le superbe The Jim side trace ainsi une drôle de route sinueuse et belle, faite de claviers cotonneux, d’une guitare acoustique toute en subtilité et de la voix molletonnée et inquiétante de Christian Quermalet. La mer est étale mais on ne sait pas trop si notre embarcation croise vers un ailleurs paradisiaque ou s’il nous conduit à notre perte : un peu des deux sans doute…

2. Fiona Apple O sailor (2005, Extraordinary machine)

Malgré toutes les vicissitudes qui ont accompagné sa sortie, le troisième album de Fiona Apple aligne son lot de morceaux de bravoure, telle cette chanson grave et belle qui réussit à marier lyrisme et sobriété avec grâce et hauteur. Fiona Apple campe la femme de marin (réel ou métaphorique) en proie avec les éternels départs de l’homme aimé avec ce mélange de force et de fragilité qui n’appartient qu’à elle, ce chant affirmé et empli de fêlures et ses arrangements classieux et malades.

3. Mazzy Star I’m sailin’ (1990, She hangs brightly)

Au creux de leur déjà très bon premier opus, Mazzy Star plaçait cette petite bluette country. Loin d’être leur meilleur titre, le morceau dégage quand même un certain charme, le chant de Hope Sandoval laissant de toutes façons difficilement de marbre. La navigation ressemble plus ici à une lente dérive et l’on se laisse descendre le Mississippi, abruti de chaleur sur les eaux lourdes du fleuve.

4. Neil Young & Crazy Horse Sail away (1979, Rust never sleeps)

Sail away représente le versant acoustique de ce disque fantastique, sans doute l’un des meilleurs du Loner et de sa bande de chevaux sauvages. Du Neil Young classique et magnifique pour une ballade aux petits oignons, d’une évidence invariablement poignante et qui nous accompagnera jusqu’à nos vieux jours.

5. Broken Bells Sailing to nowhere (2010, Broken Bells)

On aime beaucoup la pop mutante de ce super-groupe monté par James Mercer (Shins) et Danger Mouse (Gnarls Barkley). Ce Sailing to nowhere semble plutôt naviguer quelque part dans l’espace, comme s’il traçait sa voie entre deux comètes. Un drôle d’OPNI (objet pop non identifié) qui flotte comme une bulle de savon et fait de drôles de loopings en apesanteur.

6. Brian Wilson & Van Dyke Parks Sail away (1995, Orange crate art)

En 1995, les retrouvailles de ces deux légendes de la pop après l’épique naufrage du légendaire Smile donnaient naissance à ce disque étonnant, oasis féérique évoquant aussi bien les peintures naïves du douanier Rousseau que la luxuriance musicale des airs de Bacharach. Enfantin et nostalgique, ce Sail away nous emmène vers un ailleurs irréel, un atoll paradisiaque au milieu des nuages.

7. The Pogues Thousands are sailing (1988, If I should from grace with God)

Le mélange de pop et de musique traditionnelle des Pogues sert ici un de leurs titres les plus émouvants avec cette peinture des vagues d’émigration irlandaises vers les USA, balançant comme les personnages de la chanson entre l’espoir d’un jour meilleur et la douleur de quitter sa terre. « And we dance to the music / And we dance ».

8. Noir Désir Drunken sailors (2001, En route pour la joie)

Compilé en 2001 sur le best-of En route pour la joie, cet enregistrement date en fait de 1989. Cette reprise d’un air de marins traditionnel traduit bien la furia dévastatrice de Noir Désir sur scène, avec un Cantat à la fois chaman et dompteur, pour un résultat évoquant quelque chose comme des Waterboys possédés par l’esprit frappeur du Gun Club. Le bateau prend feu…

9. Alain Chamfort Manureva (1979, Poses)

Stylistiquement, on vire à bâbord toute avec le tube disco-pop du fort estimable Alain Chamfort. Le cher lecteur sait sans doute que ce morceau écrit par Chamfort et Gainsbourg évoque la disparition en mer du navigateur Alain Colas et de son bateau « Manureva ». Le titre tient en tous cas toujours bien la route, diffusant une mélancolie diffuse derrière le falsetto de Chamfort et la mélodie synthétique.

10. Fairport Convention A sailor’s life (1969, Unhalfbricking)

On terminera par un morceau de bravoure, les dix minutes de cette vie de marin incarnée à la perfection par Fairport Convention dans sa formation historique, avec Sandy Denny au chant, et les guitares acérées de Richard Thompson et Simon Nicol. Adaptation d’un air traditionnel, A sailor’s life prend d’abord forme par la grâce du chant de Sandy Denny avant que les guitares de ses deux acolytes ne viennent méchamment lui souffler dans les voiles pour une formidable tempête. Le morceau résume tout l’art de Fairport Convention, qui fit naître de la friction du folk britannique traditionnelle et de l’électricité du rock and roll, une musique belle et nouvelle.

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