Les lois de la gravité
Tindersticks S/T (1993, Bar/None)
A l’heure où le groupe fait paraître un nouvel opus – The hungry saw – alors qu’on le croyait disparu, revenons aujourd’hui 15 ans en arrière (Dieu que le temps passe vite… ) avec les débuts emplis de spleen et de beauté de ce combo anglais.
Les Tindersticks se forment en 1992 autour d’un noyau dur composé du chanteur et principal songwriter, Stuart Staples, du violoniste Dickon Hinchcliffe et du claviériste David Boulter. Avec ce premier album éponyme paru en 1993, le groupe impose d’emblée sa singularité. Loin des riffs de guitares d’une brit-pop alors dominante, Staples et ses comparses délivrent une musique grave et profonde, parant son spleen d’arrangements somptueux et semblant ramener de ses ténèbres intérieurs d’étincelantes pépites. Sous l’influence de figures telles que Nick Cave, Scott Walker ou Lee Hazlewood, les Tindersticks délivrent un album extrêmement ambitieux, foisonnant, révélant d’impressionnantes failles sous un manteau musical des plus variés.
Le groupe alterne ainsi valses ivres, airs de flamenco, larsens ombrageux et fines gemmes pop avec le même bonheur, même si on pourrait lui reprocher quelques longueurs (The watt blues, Paco de Reinaldos dream) . Dans l’ensemble, le groupe excelle à créer des climats, plongeant l’auditeur dans un tourbillon d’états d’âmes et d’émotions fortes.On n’a ainsi pas souvent l’occasion de croiser une chanson comme Jism, valse triste et fiévreuse belle à pleurer, qui semble porter en ses révolutions cahoteuses toute la tristesse d’un homme. A côté de ces excès de fièvre, le groupe sait aussi se montrer d’une élégance fragile somptueuse comme sur le remarquable Patchwork ou le très beau Raindrops. On remarquera par ailleurs qu’il est beaucoup question de liquide dans les chansons des Tindersticks: on sue, on saigne, on boit et on s’enivre au risque de se noyer (Whiskey and water, Drunk tank) . Parmi ce maelström, le timbre grave et tremblé de Stuart Staples donne souvent l’impression que le bonhomme est prêt à sombrer, la voix ballottée par les embardées et les crues de l’orchestration, et pourtant, l’homme vacille mais ne tombe pas, comme sur l’impressionnant Her, flamenco joué à bout de souffle, ou sur le superbe City sickness.
Au final, malgré certaines longueurs (21 morceaux tout de même), le disque s’avère toujours brillant, n’ayant rien perdu en 15 ans de ses fragrances capiteuses. Avec cet album, les Tindersticks vont se créer une fidèle troupe de fans transportés par l’élégance de leur spleen et la beauté de leur musique. Ce premier album recevra aussi un accueil critique enthousiaste, étant par exemple élu album de l’année 1993 par le magazine anglais Melody Maker. En 1995, le groupe fait paraître un deuxième album du même acabit puis en 1997, il publie ce qui est selon moi son chef-d’œuvre, le merveilleux Curtains. Après ce zénith, le groupe livrera deux albums assez moyens avant de resurgir avec Waiting for the moon, beau disque néanmoins en deçà des premières œuvres du groupe. Reste à savoir ce qu’il en sera de ce Hungry saw qui s’annonce.
2 réponses
[…] parmi ceux que je fréquentais s’en réclamait, à quelques exceptions près (Tindersticks par exemple). Je n’ai donc écouté de disque de lui que très récemment, en découvrant […]
[…] un premier album au romantisme vénéneux et au spleen majestueux, les Tindersticks avaient conquis les cœurs des […]