Le manège endiablé
The Coral The Coral (2002, Deltasonic)
A l’orée de ce siècle, une véritable cohorte de groupes de rock anglais tenta de profiter du puissant appel d’air lié à ce qu’on appelait alors « le retour du rock » pour gagner chacun sa place au soleil. Parmi cette pléthore de talents plus (The Libertines) ou moins (The Kooks) inspirés, les Liverpudliens de The Coral affichaient d’emblée une originalité sans pareille, autant par la jeunesse de ses membres que par l’étendue de son registre. On se douta rapidement que ces gaillards étaient d’une autre trempe que nombre de leurs contemporains et près de dix ans après, l’évidence s’est imposée, chaque production du sextet emmené par James Skelly semblant les élever vers de nouveaux sommets.
The Coral se forme en 1996 alors que ses six membres, tous originaires de Liverpool, n’ont pas encore quinze ans. Fous de musique, ils se nourrissent de tous les styles passant à portée de leurs oreilles avides et n’ont de cesse au fil des ans d’ouvrir leurs horizons et de perfectionner leur technique, revendiquant un respect trop fort de la musique pour la traiter en dilettantes.
Sur ce premier album éponyme paru en 2002, le groupe semble ainsi faire feu de tout bois, invitant l’auditeur à enfourcher un manège endiablé, bâti de bric et de broc à partir d’influences innombrables. The Coral aligne dix idées par morceau, lance des pistes au débotté pour aussitôt passer à autre chose, tel un gamin enjoué dans un magasin de confiserie qui s’empresserait de fourrer ses mains dans chaque pot pour n’en pas perdre une miette. Si cette frénésie peut parfois dérouter et frôler la dispersion, on reste bien loin des mélanges indigestes de ce qu’on appela la bastard pop, tant le groupe fait preuve d’une élégance peu commune et d’une musicalité étonnante malgré une moyenne d’âge ne dépassant pas les vingt ans. Entre mélodies hispanisantes, musique cosaque, country, blues, pop psychédélique, boogie et reggae, The Coral ose tout et charme presque à tout coup, la voix d’une surprenante maturité de James Skelly recouvrant l’ensemble d’une noble patine qui contraste joliment avec le côté un peu bordélique de l’ensemble.
De ce carrousel bigarré, on pourra d’abord extraire le génial Shadows fall, cavalcade country and western sépulcrale sous haute influence morriconienne, parasitée de traits soudains de pop excentrique. L’excellent Dreaming of you semble sortir tout droit d’une version survitaminée de la BO de Grease avec ses claviers endiablés tandis que la ballade chorale Simon Diamond se met soudainement à tournoyer sur elle-même avant de dérailler. Skeleton key évoque le Supergrass pois sauteur des débuts tandis que les cuivres de Wildfire évoquent un big band égaré en territoire rock. En fin d’album, le splendide Calendars and clocks, avec sa rythmique bossa en ouverture et le chant en surplomb grandiose de Skelly, révèle les orfèvres planqués derrière cet apparent foutoir.
L’album sera à l’époque fort remarqué par la critique des deux côtés de la Manche, le groupe décrochant même un petit succès public en Angleterre avec l’atypique Shadows fall. Fort prolifiques, les six gamins de Liverpool font paraître dès 2003 un deuxième opus, Magic and medicine, sans doute plus cohérent mais que j’aime un peu moins. En 2004, The Coral publie l’expérimental Nightfreak and the sons of Becker, fruit d’une semaine de sessions. Puis, en 2005, le groupe commence à toucher au sublime avec The invisible invasion, qui fait rutiler des merveilles pop sans grand équivalent sur la scène actuelle. 2007 les verra encore monter d’un cran dans le merveilleux avec Roots and echoes. Le dernier opus en date du groupe, Butterfly house, est paru l’an dernier. On reparlera évidemment de tout cela avec plaisir dans ces pages prochainement…
2 réponses
[…] sur le métier. Moins d’un an après la sortie de leur remarquable et remarqué premier opus, les tout jeunes Liverpudliens confirmaient avec ce deuxième effort tout aussi brillant que son […]
[…] The Coral(2002), le groupe surgissait toutes voiles dehors, cherchant à faire rentrer des dizaines de pistes […]