De bile et de fureur
Swell Too many days without thinking (1997, Beggars Banquet)
Avec les ténébreux et formidables …Well? (1992) et 41 (1994), Swell réussit à imposer une griffe trouble et mystérieuse, fidélisant autour de lui un public grandissant d’admirateurs de ses ambiances noctambules. La gestation de ce quatrième opus allait briser cette belle dynamique. Après plusieurs ébauches mises à la corbeille par le groupe lui-même, son label d’alors allait rejeter ces chansons vénéneuses, obligeant Swell à trouver refuge chez Beggars Banquet pour publier cet éclatant Too many days without thinking.
A l’écoute de ces chansons brûlantes, il semble que ces embûches et contretemps aient passablement énervé notre combo san franciscain. Alors que Swell déployait sa mélancolie addictive derrière un lourd brouillard la recouvrant d’un mystère profond, le groupe déchire ici le rideau pour en sortir fulminant et rougeoyant. On retrouve toujours la formidable dynamique qui constitue la moelle de ces morceaux, chaque titre semblant avancer comme une locomotive à pleine vitesse impossible à arrêter. A la fois lancinantes et percutantes, les chansons de Swell charrient une imposante colère froide et le chant de David Freel se charge d’une intensité nouvelle. Les guitares électriques alignent leurs boucles perforantes tandis que la rythmique maintient la solidité de l’édifice. Jamais Swell n’avait dégagé pareille sensation de puissance rageuse, décidé à en découdre avec la terre entière; le nombre de “fuck” balancé tout du long de l’album ferait d’ailleurs frémir les oreilles pudibondes.
L’album s’ouvre sur un phénoménal Throw the wine, morceau incandescent embrasant l’atmosphère qui l’entoure. Tout le début du disque s’avère quasi parfait, du sourd et menaçant What I always wanted à l’époustouflant Make mine you. Fuck even flow marque une première respiration dans l’ensemble puis le groupe accélère encore le pas avec les panoramiques The trip et Going up (to Portland?). Puis en fin d’album, Swell aligne le superbe Bridgette, you love me, tout en faux calme et tension acoustique (on y entend ainsi ce “Shitting on the neighbour’s lawn it’s alright”) puis le vaporeux et envoûtant Everyday sunshine.
Too many days without thinking représente à mon sens l’acmé magistral de la discographie de Swell, du moins de ce que j’en connais. Dans la foulée ou presque, le groupe publiera le mésestimé For all the beautiful people en 1998. J’avoue avoir perdu Swell de vue après la sortie de Everybody wants to know en 2001, un peu déçu par une prestation scénique plutôt morne au Printemps de Bourges. Après Whenever you’re ready paru en 2003, le groupe disparut du paysage pour reparaître furtivement en 2008 avec South of the rain and snow.
1 réponse
[…] groupe atteindra à mon sens son apogée avec le successeur de 41, le génial Too many days without thinking (1997) sur lequel je reviendrai certainement ici. A noter qu’après plusieurs années de […]