Prefab Sprout Steve McQueen (1985, Kitchenware/Sony BMG)
C’est à la fin des années 1970, près de Newcastle dans le Nord Est de l’Angleterre, que Paddy Mc Aloon forme Prefab Sprout avec son frère Martin à la basse, Wendy Smith aux chœurs et Neil Conti à la batterie. Dans ce paysage gris du nord de l’Angleterre, Mc Aloon développe un amour sans borne pour les perles pop semées par les grands maîtres tels Brian Wilson ou Burt Bacharach, remontant jusqu’aux trésors de la musique américaine d’avant-guerre – notamment Gershwin.
Le groupe sort un premier 45 tours en 1982, « Lions in my own garden (exit someone) », surtout connu pour être l’acronyme de Limoges, ville où Mc Aloon semble avoir subi quelques déboires sentimentaux. En 1984, le groupe fait paraitre son premier album, Swoon, qui rencontre un certain succès critique. J’avoue ne pas connaître ce disque donc je n’en parlerai pas. En 1985, Mc Aloon s’adjoint les services du producteur Thomas Dolby pour son deuxième album, ce fameux Steve Mc Queen. Prefab Sprout décroche alors la timbale et s’impose comme une des figures de proue de la pop britannique de l’époque.
J’avoue que parmi mon panthéon pop, Prefab Sprout a toujours figuré en retrait par rapport à d’autres de ses contemporains, des Smiths aux Pale Fountains en passant par les Go-Betweens. Il est vrai que ces compositions parfois alambiquées, et ce traitement sonore si daté, peuvent constituer un obstacle à une bonne appréhension de leur musique. En me replongeant ces jours derniers dans cet album, par le biais de la version remastérisée parue l’an dernier et agrémentée d’un CD bonus somptueux qui voit Mc Aloon se livrer à de sublimes relectures acoustiques de 8 morceaux de cet opus, je me surprends à le réévaluer.
Sous ce jour nouveau, le son synthétique du producteur Thomas Dolby m’apparait plus comme une charmante patine, conservant toute la beauté des chansons de Mc Aloon dans un écrin fort seyant. La voix de Mc Aloon, les chœurs éthérés de Wendy Smith, les subtils arpèges de guitares, les nappes de synthétiseurs et les textes énigmatiques sans être abscons trouvent en moi une nouvelle résonance. J’entre enfin dans l’univers de Mc Aloon, quelque part entre ciel et terre, plus proche du ciel que de la terre.
Je redécouvre en premier lieu les deux chefs d’œuvre que sont When love breaks down et Goodbye Lucille #1, chansons magnifiques mêlant dans un seul élan sagesse et douleur, touchant à une forme de grâce angélique en caressant des sentiments pourtant amers. Outre ces deux monuments de la pop des années 1980, Mc Aloon déploie l’éventail de ses influences, s’offrant une excursion country & western avec l’introductif Faron Young, allant causer avec Gershwin sur Hallelujah, convoquant les sonorités latino-américaines sur Horsin’ around à la manière des Pale Fountains ou d’Everything But The Girl à la même époque.
La qualité remarquable de ces chansons saute aux oreilles encore davantage à l’écoute du deuxième CD venant enrichir la version originale de l’album. Sur ce disque, Mc Aloon se livre à une stupéfiante relecture acoustique de 8 des morceaux de l’album, session enregistrée à l’été 2006. Il parvient ici à faire scintiller d’un nouvel éclat des pépites comme Bonnie ou Appetite, à dévoiler de nouveaux atours au pourtant magique When love breaks down et à envoyer direct au septième ciel un morceau comme Desire as. Alors que ces chansons brillaient à l’époque par leur traitement sonore, alors que ce travail de production très daté rebutait les rétifs à Prefab Sprout, voilà que Mc Aloon démontre qu’elles n’ont besoin de nulle parure pour se montrer d’une grande beauté.
Après Steve Mc Queen, le groupe sortira From Langley Park to Memphis en 1988 et l’ambitieux Jordan:the comeback en 1990. Le groupe s’étiolera peu à peu, Mc Aloon devant notamment lutter contre de sérieux problèmes de santé l’ayant laissé quasiment aveugle. En 1997, le groupe a fait son come-back avec Andromeda heights mais dans un silence à peu près complet.
Ce groupe est SUBLIME. Rien d’autre à ajouter. D’accord avec vous pour la patine, n’ayant pas connu les années 80, je trouve que ce son rétro-futuriste contribue parfois à rendre encore plus bouleversantes des chansons qui n’en avaient pas vraiment pour l’être.