La belle équipe
Olivier Libaux Imbécile (2007, Discograph)
Portons aujourd’hui notre attention sur cet objet discographique non identifié, album à quatre voix mis en musique par l’étonnant Olivier Libaux. Derrière ce patronyme anonyme, on retrouve un parcours de plus de vingt ans passés à arpenter les chemins de traverse de la chanson d’ici, entre singularité affirmée et plaisir renouvelé des rencontres fructueuses. A la fin des années 1980, Olivier Libaux fonde les Objets avec Jérôme Ignatus. Le groupe se sépare après deux albums et Olivier Libaux entame alors un travail de longue haleine, s’échinant à monter une comédie musicale portée par 7 interprètes, parmi lesquels Lio, Philippe Katerine, Helena Noguerra et Dominique Dalcan. Le projet aboutira après 7 ans d’efforts pour finalement paraître en 2003 sous le nom de L’héroïne au bain, mais sans pouvoir être joué en scène. Libaux reprend alors sa route et un inattendu succès lui tombe bientôt sur les épaules, au détour d’une collaboration avec Marc Collin sur un projet de reprises soyeuses de morceaux new-wave : ce sera Nouvelle Vague. Après deux albums du groupe, Libaux s’attaque à la conception d’un nouvel objet singulier : ce sera Imbécile.
Sur le modèle de L’héroïne au bain, Libaux se fait metteur en son, metteur en scène, d’un drôle de disque-concept : quatre personnages, un couple marié et deux célibataires, se retrouvent pour un dîner au cours duquel ils se livrent sans retenue ni faux-semblants. Libaux cisèle treize morceaux comme autant de costumes qu’il fait porter à un casting impeccable, belle équipe rassemblant Philippe Katerine, Helena Noguerra, Barbara Carlotti et le grand JP Nataf. Le résultat est formidable. Le disque navigue dans une zone frontière se parant là de pop cristalline (Je prends l’air et je prends l’eau), ailleurs d’envolées symphoniques dignes de Lambchop (J’en ai marre de la mort), ici de notes de jazz manouche à faire honte au pénible Sanseverino (Le petit succès) pour finalement composer un disque de variété française au sens noble du terme, chanson française ouverte à tous les vents plutôt que renfermée sur son pré carré sentant la chaussette.
Malgré sa diversité de tons, Imbécile se révèle un disque d’une grande cohérence. Surtout, sous ses atours légers et derrière quelques morceaux joliment lestes, comme le génial L’amour à la française (“Pour ce qui est d’une bonne baise / Nous Français, on est les champions!”), Imbécile cache des sentiments d’une noirceur à faire peur : l’inadaptation face à l’hypocrisie du monde (Ils sont marrants les gens ou Les faux sourires), l’incapacité à affronter la vie (Mon verre d’eau), la certitude de la vieillesse et de la mort (Mes belles années, J’en ai marre de la mort) ou carrément le suicide sur le pourtant limpide mais assassin Je prends l’air et je prends l’eau. En cela, Imbécile est aussi un grand disque pop, dissimulant ses idées noires derrière des mélodies lumineuses.
Olivier Libaux ne semble pas avoir sorti de nouvelles choses sous son nom, mais j’avoue ne pas avoir poussé ma recherche très avant. Nouvelle Vague a lui fait paraître encore deux albums dont j’ignore aussi à peu près tout. Imbécile tourne lui sur ma platine, comme un beau cadeau déposé par un ami éphémère, curiosité précieuse au cœur de ma discothèque.
3 réponses
[…] les collaborations et les expériences un peu hors cadre, participant à la tournée du remarquable Imbécile d’Olivier Libaux ou travaillant avec le chorégraphe Philippe Decouflé. Et puis, en 2010, il […]
[…] des collaborations souvent fort recommandables, à l’image de sa participation au remarquable Imbécile d’Olivier Libaux. Le temps de maturation de ces chansons n’aura en tout cas pas été […]
[…] apportant sa pierre à des albums de reprises. On le vit ainsi participer récemment au très beau Imbécile d’Olivier Libaux aux côtés de Katerine, Helena Noguerra et Barbara Carlotti. Je […]