La fièvre dans le sang
Suzanne Vega 99.9 °F (1992, A&M)
Née en Californie en 1959, Suzanne Vega grandit à New York dans le Spanish Harlem, entre une mère guitariste de jazz et un beau-père écrivain. Elle s’intéresse très jeune aux grands noms de la musique folk et écume dès la fin de son adolescence les clubs folk de Greenwich Village. Sa réputation grandit au sein de la scène new-yorkaise mais Suzanne Vega peine à décrocher un contrat d’enregistrement, aucune maison de disque ne souhaitant miser sur un genre jugé alors sans le moindre intérêt commercial. A force de persévérance, Suzanne Vega finit par signer avec A & M qui lui permet de publier un premier album éponyme en 1985. Co-produit par Lenny Kaye, guitariste légendaire du Patti Smith Group, l’album décroche un succès surprenant, notamment en Angleterre. Suzanne Vega ouvre alors une brèche pour toute une génération de folkeuses (de Michelle Shocked à Tracy Chapman), les maisons de disque s’empressant d’exploiter un filon qu’elles négligeaient jusqu’à lors.
En 1987, Suzanne Vega casse carrément la baraque avec Solitude standing, porté par le tube Luka, creusant toujours son sillon folk. Après un troisième opus paru en 1990, Days of open hand, Suzanne Vega décroche un hit inattendu par l’entremise du groupe DNA, remixant façon dance son morceau Tom’s diner. Ce geste lui ouvre alors de nouveaux horizons et sa rencontre avec le producteur Mitchell Froom (qu’elle épousera peu après) lui permet de concrétiser ses nouvelles envies dans ce 99.9°F.
Dès la première phrase du premier morceau (Rock in this pocket) , Suzanne Vega requiert notre attention: “Excuse me / If I may / Turn your attention / My way” ; humilité déplacée tant notre curiosité était déjà piquée au vif par l’étonnante intro précédant cette entrée en matière, toute de rythmes métalliques dissonants. Avec ce quatrième album, Suzanne Vega se dégage de son image de grande sœur folk et parsème ses chansons de boucles rythmiques, de nappes de synthétiseurs et autres effets sonores, avec l’apport essentiel de Mitchell Froom. Elle fait ainsi souffler sur son folk un revigorant vent de modernité, s’amusant à provoquer d’heureux accidents sous son regard plein de jubilation.
Parmi les hauts faits de ce disque casse-cou, on retiendra d’abord le génial Blood makes noise, morceau papier de verre fascinant par les frottements qu’il organise et les réactions qui en découlent. Le disque se pare à plusieurs reprises de teintes de cabaret, entre cirque ambulant (Fat man and the dancing girl) et peep-show (As a child) . Suzanne Vega affiche une sensualité nouvelle avec le fiévreux titre éponyme et les saynètes suggestives d’If you were in my movie. Elle n’en oublie pas pour autant de nous offrir son lot de ballades, gardant ainsi un pied dans la tradition folk, avec notamment le sublime Song of sand ou le troublant Bad wisdom. On accordera enfin une mention spéciale à l’ambigu As girls go, que la présence de l’immense Richard Thompson vient rehausser de deux ou trois niveaux supplémentaires d’un solo de guitare stratosphérique.
Suzanne Vega continue depuis son chemin, dans une discrétion accrue. Après une pause bébé, elle reviendra en 1996 avec le très bon Nine objects of desire puis un divorce viendra mettre fin à sa collaboration fructueuse avec Mitchell Froom. Deux albums sont parus depuis le début de ce siècle mais j’avoue n’en avoir écouté aucun, Songs in red and grey en 2001 et Beauty and crime en 2007.
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[…] qui aurait remplacé Lætitia Sadier par la Suzanne Vega tête brûlée de l’inusable 99.9°F. Souvent, les chansons de Goat Girl changent de direction en cours de route, insérant là une […]