Nouvelle campagne
Paul & Linda Mc Cartney Ram (1971, Capitol)
En 1971, un an après la fin des Beatles, Paul McCartney traverse une période agitée. En procès avec ses anciens compagnons de gloire pour des histoires de droits, accusé par beaucoup d’avoir causé la perte du groupe, malmené par la critique pour son premier album solo paru en 1970, notre homme ne semble pouvoir trouver un havre de paix et de félicité que dans la douceur du foyer qu’il a fondé récemment avec son grand amour Linda. C’est dans ce contexte tourmenté que nos deux tourtereaux s’en vont enregistrer à New York Ram. Signé Paul & Linda, il ne faut cependant pas s’y méprendre : si Linda joue un rôle évident d’inspiratrice et de soutien, si elle participe aux chœurs et à l’accompagnement musical, Paul demeure le grand architecte de cette somptueuse construction.
Avec Ram, McCartney affirme son désir de repartir de zéro, d’oublier les sommets gravis par le passé. On y entend donc un musicien remettre son ouvrage sur le métier comme s’il n’était pas déjà entré dans la légende, reprendre goût aux gestes les plus élémentaires de l’artisanat pop. Le talent fait la différence. Ram est en effet une pure pépite pop, un grand disque chatoyant et bucolique, à la fois humble et ambitieux, sur lequel McCartney aligne une martingale loin d’être indigne d’un glorieux passé encore fumant.
On retrouve sur Ram les facettes les plus brillantes du talent de McCartney. Celui-ci trousse ainsi quelques somptueuses ballades, fines et boisées, tel l’impeccable Ram on ou le bucolique Heart of the country” . McCartney échafaude également des constructions plus complexes, comme les chœurs divins du génial Dear boy, révérence lumineuse au génie des Beach Boys. McCartney livre surtout l’exceptionnel diptyque Uncle Albert / Admiral Halsey, merveille de pièce montée pop excentrique et gourmande. L’ex Fab Four n’hésite pas non plus à recourir ici aux plans établis à l’époque des Beatles, avec les superbes Long haired lady ou Back seat of my car et se permet aussi une divagation hirsute et surréaliste avec l’excellent Monkberry moon delight.
La qualité constante de ce disque remarquable ne suffira pas cependant à balayer les préjugés et la haine tenace que semble vouer à McCartney une partie de la critique d’alors. Malgré un beau succès commercial, le disque sera descendu en flammes et reste aujourd’hui relativement méconnu dans l’œuvre de McCartney, moins en tout cas que ses albums des Wings. L’album ne contribuera pas non plus à apaiser les relations de McCartney avec les ex-Beatles, Lennon notamment prenant très mal les textes de Too many people et 3 legs et répondant de façon brutale sur l’album Imagine avec le hargneux How do you sleep? . Il faut dire aussi que la photo de deux scarabées en train de copuler placée sur le verso de la pochette de Ram n’était pas là pour apaiser l’atmosphère.
Reste au final la qualité de cet album ; même si je n’ai pas suivi toute l’œuvre de McCartney depuis, je n’ai pas retrouvé ce niveau d’écriture sur les enregistrements postérieurs que je connais, du moins jusqu’en 2005 et la parution du fantastique Chaos and creation in the backyard sur lequel je reviendrai ici à l’occasion avec grand plaisir.
Merci Frédéric pour cet article sur ces opus un peu oubliés de Macca.
Je pensais que “Just Another Day” était sur l’album, mais non : elle sortit à part !
Merci Frédéric pour cet article sur ces opus un peu oubliés de Macca.
Je pensais que « Just Another Day » était sur l’album, mais non : elle sortit à part !