J’ai pris garde cette fois-ci à ne pas laisser s’écouler trop de temps depuis mon précédent “top annuel” et voici donc déjà le moment de nous pencher sur l’année 1988. Autrement plus dense que le millésime précédent, 1988 est une grande année musicale, alignant a minima trois authentiques chefs-d’œuvre et une ribambelle d’excellents disques, dont une bordée de premiers albums remarquables, de Galaxie 500 à My Bloody Valentine. On se fera une idée du niveau de l’ensemble en indiquant que le formidable Fisherman’s blues des Waterboys a dû rester sur la touche. Les Anglo-saxons ne laissent pas une miette, Anglais, Américains mais aussi Canadiens et Australiens. Les Rita Mitsouko, Daho et plus encore le superbe Voilà les angesde Gamine méritaient quand même une citation mais resteront sur le banc des remplaçants.
Les Bostoniens de Galaxie 500 livraient ici un premier album fiévreux et filandreux, déployant leurs chansons comme des volutes brumeuses échauffant peu à peu l'atmosphère. Implosif et vénéneux, un disque blanc au charme saisissant.
Entre ballades noctambules déchirées et blues déglingués par la fièvre, Nick Cave et ses Bad Seeds livrent un disque de chaos où sans cesse s'empoignent l'homme et ses démons. Un grand album sauvage et vénéneux.
Quelques mois après la séparation des Smiths, Morrissey se fendait de ce disque batailleur et inspiré, alignant ses plus beaux atouts (la voix, les mélodies, l'humour vachard et la mélancolie) pour s'en aller résolument de l'avant.
Enregistré en une nuit lors d’une session automnale à l’Église de la Sainte Trinité de Toronto, ce disque sublime brille tel une étoile solitaire, trempant avec lenteur et sensualité le blues et la country dans la torpeur narcotique du Velvet le plus alangui. Une influence majeure pour tout un pan de la musique US des années 1990.
Premier coup de maître d'un groupe fondamental, Isn't anything mêle déjà le bruit et l'onirisme, faisant rougeoyer le brouillard et offrant une bordée de chansons humides et tremblantes, parfois gauches mais diablement touchantes, intensément vibrantes.
Avec ses sonorités synthétiques, I'm your man s'avère pourtant un bijou de sensualité organique, disque de vieux sage jamais pontifiant, plein de malice et d'élégance, chantant l'amour, la musique et la poésie et n'oubliant pas de regarder le monde en face. Un disque de grand vivant.
Porte d’entrée idéale pour pénétrer le jardin extraordinaire des Pixies Surfer Rosa - auquel est généralement greffé le premier EP Come on pilgrim - marque l’irruption de ce combo génial et pétaradant, fantasque et inquiétant, avec ces chansons jouissives et possédées nous embarquant dans une roborative séance de montagnes russes.
Avec Spirit of Eden, Talk Talk largue définitivement les amarres pour un ailleurs multicolore loin des hits parades et des formatages. Six morceaux naviguant entre jazz, pop, rock et classique, à la beauté insaisissable et sans pareille. Le plus beau suicide commercial qu'on ait jamais vu.
Après le génial Sister, Sonic Youth atteint une forme d'apogée avec ce disque-fleuve, aux mélodies abrasives, aux larsens lumineux, dégageant une formidable impression de puissance maîtrisée. Incidemment, vrai disque madeleine qui m'accompagne depuis un bon quart de siècle.
Après une petite décennie à rechercher - et parfois à trouver - les mélodies les plus parfaites, les Australiens aboutissaient à ce chef-d'oeuvre insurpassable, lumineux et pourtant perclus de fêlures, d'une fluidité inégalée pour chanter la persistence de l'espérance, la certitude de l'amour et la beauté douloureuse d'être au monde. Vous ne trouverez pas beaucoup mieux.