Un homme très fréquentable

Katerine Mes mauvaises fréquentations (1996, Rosebud)

Katerine - Mes mauvaises fréquentations

Dix ans avant la tornade Louxor j’adore et l’électro-pop mâtinée de glam de Robots après tout, il était bien difficile d’envisager comment allait tourner l’étonnant Vendéen à l’écoute de ce remarquable disque. Après deux albums passés plutôt inaperçus, où notre actuelle bête de scène préférait le plus souvent se cacher en faisant interpréter ses compositions par d’autres (et notamment sa sœur Bruno (!) ) tant l’angoisse l’étreignait à la vue du micro, Katerine affirmait déjà une identité des plus originales.

Au sein d’une scène française alors bien pauvre, Katerine osait afficher des influences qui en intimideraient plus d’un. Avec son chant et ses poses de dandy décalé, Monsieur Katerine entend ici en découdre avec des aînés aussi prestigieux que João Gilberto, le meilleur Henri Salvador et surtout la grâce et la fantaisie inégalées du merveilleux tandem Legrand/Demy. Katerine aligne ainsi en un peu plus d’une demie-heure quinze vignettes précieuses et brillantes, à l’instrumentation finement ourlée et à la richesse mélodique éclatante. Entre easy-listening, bossa nova, chanson française et notes jazzy, Katerine redonne son sens le plus percutant au terme souvent moisi de variété française – à l’instar à l’époque d’un Dominique A ou d’un Miossec, dans des champs d’expression radicalement différents.

Alors que retenir de ces trente minutes graciles et gracieuses? Le bel emballement du chavirant Mon cœur balance ou la guitare crépusculaire du sublime Chanson des jours bénis ? Le duo burlesque et grandiose Parlez-vous anglais Mr Katerine? , pas si loin des élucubrations géniales de Divine Comedy ? Ou bien encore la reprise si évidente de La joueuse, entendue dans la BO de Cléo de 5 à 7 et réalisée à l’origine par le duo Varda / Legrand ? Katerine ne se laisse jamais écraser par le poids de cette référence majuscule et s’en sort au contraire avec une élégance déconcertante, ramenant aussi à la mémoire de nos oreilles les perles inaltérées interprétées jadis par Jeanne Moreau. J’accorderai une mention spéciale au bouleversant Vacances à l’hôpital , fugue princière liserée de noir, à l’instar d’ailleurs de bon nombre de titres de l’album, tant les textes sombres apportent un contrepoint à la finesse des mélodies.

La découverte récente de ce disque rehausse dans mon esprit la valeur de Katerine, que j’appréciais plus pour son personnage et ses performances live magistrales que pour sa production musicale. J’irai donc frayer volontiers avec ces Mauvaises fréquentations.

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