Les murmures de la colère
José Gonzalez Veneer (2003, Imperial Recordings)
Il a déjà été question de José Gonzalez dans ces colonnes il y a de cela sept ans afin de célébrer les nombreuses qualités du deuxième album de Junip, le groupe mené en parallèle par le Suédois avec ses compères Elias Araya et Tobias Winterkorn. J’expliquais dans ce précédent billet que si cette formation était née à la toute fin des années 1990, José Gonzalez s’était d’abord révélé en solo avec ce Veneer, paru préalablement en Suède en 2003 avant d’être distribué à l’international deux ans plus tard. Sa reprise magnifique du fantastique Heartbeats de ses compatriotes électro The Knife est alors utilisée comme bande-son par Sony pour une campagne publicitaire mondiale, valant alors au barbu de décrocher d’impressionnants chiffres de vente de par le monde, pour un disque aussi farouche et dépouillé.
Betray the image / There’s nothing between the sheets / It’s not what it seems / But deadweight on velveteen
Deadweight on velveteen
Guère de chichis putassiers ou d’effets de production à la mode dans la musique du Suédois mais au contraire, une ligne esthétique pour le moins janséniste : une guitare acoustique, de subtiles percussions, une voix à l’occasion dédoublée, des chansons de peu de mots, le tout expédié en une trentaine de minutes. Ce choix de l’acoustique valut au Suédois d’être rattaché à une sorte de mouvement néo-folk scandinave, dans la foulée du premier album fondateur des Kings of Convenience et aux côtés d’un Thomas Dybdahl par exemple. Si une indéniable proximité – soulignée d’ailleurs par Erlend Oye des Kings of Convenience dans une toute récente interview – est notable avec les bijoux ciselés par le duo norvégien, notre barbu suédois retient une palette de tons assez différente. Là où les Kings naviguent entre teintes sépia et pastels printaniers, José Gonzalez trace des chansons au fusain, dont l’acoustique tremblée semble peiner à contenir une sourde colère. Le Suédois démontre une fois de plus qu’il n’est pas besoin de faire beaucoup de bruit pour capter l’attention et que la rage murmurée n’est pas moins impressionnante qu’un boucan désordonné.
Poke the body with a stick, roll it down / Ignore the moaning as it tumbles to the ground / Be brave and save your day
Save your day
L’acoustique de José Gonzalez crée ainsi une intimité gorgée de tension, une forme d’orage grondant sans cesse mais n’éclatant jamais. L’introductif Slow moves se charge ainsi de relents menaçants tandis que Remain et son picking hypnotique prennent des airs de transe nerveuse. Rien n’est jamais vraiment serein dans ces chansons et même un morceau consolateur comme le formidable Crosses semble se jouer sur un lit de cendres. Il n’empêche que, éclairés à la bougie, les morceaux de Veneer ne cèdent jamais à la noirceur monochrome, une flamme vivace les habitant en permanence, un cœur battant au rythme des percussions qui font vibrer l’air autour des notes comme sur le splendide Stay in the shade. Ce clair-obscur recèle souvent d’impressionnantes profondeurs, de bouleversantes promesses comme sur la merveilleuse reprise du Heartbeats déjà citée (au fil des ans, le bonhomme démontrera d’ailleurs une aptitude redoutable pour l’art de la reprise) ou sur un Save your day ardent qui vole très haut. Le morceau final Broken arrows, se clôt sur quelques notes de trompette évanescente, laissant derrière nuit une trace bleue nuit, une accalmie qui viendrait apaiser les tensions du jour.
Ten days of perfect hues / The colors red and blue / We had a promise made / We were in love
Heartbeats
L’acoustique brute de José Gonzalez rappelle une fois de plus qu’il suffit de peu de choses pour attraper au corps et au cœur de l’auditeur et qu’en musique, le dépouillement n’est en rien antinomique avec la richesse. José Gonzalez confirmera largement les promesses de ce premier album avec le suivant, In our nature, qui s’élèvera à des hauteurs encore supérieures à ce pourtant déjà brillant essai.
1 réponse
[…] folk du jeune homme le font repérer par un label qui publie en Suède son premier album, Veneer (2003). L’album est un succès au pays et s’exporte en 2005 en Angleterre et aux USA. […]