Saint-Valentin
La Saint-Valentin est dans deux jours. Et pendant que les amoureux espèrent avoir trouvé le cadeau idéal pour leur moitié et que les célibataires se préparent à un jeudi en enfer, votre serviteur vous a préparé une petite playlist de circonstance, qui ravira autant les couples transis (ou pas) que les cœurs solitaires.
1. OutKast Happy Valentine’s day (2003, Speakerboxx / The love below)
On trouve de tout sur ce double album gargantuesque et schizophrène, et surtout de bonnes choses. Ce morceau de funk mutant teinté de psychédélisme semble ainsi transporter le meilleur de Prince dans une capsule spatiale et nous donnera, pour cette Saint-Valentin, de bonnes raisons de remuer les hanches.
2. Fiona Apple Valentine (2012, The idler wheel is wiser than the driver of the screw…)
Même si je confesse une légère déception à l’écoute de ce tout dernier album en date de la formidable Fiona, la dame est suffisamment talentueuse pour nous fournir quand même de quoi contenter nos oreilles. On aimera ainsi ce Valentine percutant et plus sauvage qu’il n’en a l’air, morceau cousu de velours, doux et rêche à la fois, et dont les variations sur un fil illustrent à merveille la liberté de ton de l’impeccable Fiona Apple.
3. Palace Music Valentine’s day (1997, Lost blues and other songs)
S’il n’avait fallu en garder qu’une, ç’aurait été celle-là. Dans cette période bénie, Will Oldham habitait tour à tour différentes succursales de la maison Palace (Palace Brothers, Palace Songs, Palace Music…) et était surtout capable d’aligner comme les perles les chansons plus bouleversantes les unes que les autres. Ce Valentine’s day navigue entre sérénité et résignation dans une sorte d’inertie rêveuse qui colle à l’âme et parvient, mine de rien, à nous élever en beauté. Du grand art.
4. Richard Hawley Valentine (2007, Lady’s bridge)
Comment imaginer une Saint Valentin sans le romantisme ombrageux du classieux Richard Hawley ? Quelque part entre Roy Orbison et les Tindersticks, on retrouve sur ce titre cette voix grave et sublime, ces envolées de cordes à fendre l’âme et cette lumière si particulière que le bonhomme sait diffuser sur ses chansons. Il s’en dégage alors une mélancolie mature belle comme les rides qui viennent au fil du temps marquer sur un visage le cours d’une vie.
5. Bruce Springsteen Valentine’s day (1987, Tunnel of love)
C’est un Springsteen en pleine crise conjugale qui livrait après le carton planétaire de Born in the USA ce Tunnel of love. Sur ce titre, c’est la veine intimiste du Boss qui s’exprime – celle qu’on préfère – dans une ballade emplie d’humilité inquiète (“Tonight I miss my girl / Tonight I miss my home”). Émouvant.
6. Martina Topley-Bird Valentine (2008, The blue God)
En 1995, elle insufflait une sensualité affolante sur l’extraordinaire Maxinquaye de Tricky. En solo, Martina Topley-Bird se fait moins aventureuse mais elle demeure capable d’une charmante lasciveté, comme sur cette ballade soul qui s’effeuille lentement.
7. Chet Baker My funny Valentine (1954, My funny Valentine)
Classique insurpassable, ce My funny Valentine est surtout l’occasion de se laisser captiver par le chant sans égal de Chet Baker, version masculine du chant des sirènes, suave, enveloppant et qui semble faire jaillir des plus profonds abimes un souffle de perfection, un voile de pureté. A écouter seul ou accompagné, après ou pendant l’amour, mais sans modération.
8. Tom Waits Blue Valentines (1978, Blue Valentine)
On reste dans les ambiances jazzy cool mais on change radicalement de registre vocal avec la raucité du chant de Tom Waits, qui incarne ici un amant renégat expiant ses péchés amoureux le long d’une ballade de bout de nuit. Un must.
9. Orelsan Saint Valentin (2006, Saint Valentin ep)
On n’hésitera pas à souiller ces belles ambiances romantiques pour une plongée dans le réel qui pourrait choquer les âmes sensibles mais qui apportera un heureux contrepoint aux allergiques à la “fête des amoureux”. Avec ce Saint Valentin paillard et grossier, Orelsan déboulait tel un soudard la bite entre les dents pour faire jaillir ce sens aigu de la punchline (“Une main sur ta chatte / Une main sur tes seins / Et je deviens ambidextre”) et la voix des losers et des sans-grades, entre désœuvrement et sexualité fantasmée ou médiocre. Le petit Aurélien a depuis composé de bien meilleurs morceaux mais celle-ci constitue une introduction idéale. “Suce ma bite pour la Saint Valentin”, ou le sens des petits plaisirs pas chers…
10. The Cure Lovesong (1989, Disintegration)
Il sera quand même question d’amour pour finir avec cette chanson d’amour devenue emblématique, ce Lovesong magnifique et ambigu de Cure, qui brouille les cartes entre déclaration et évocation d’un amour enfui : « However far away / I will always love you ». Pas besoin de Saint Valentin après tout, juste une chanson d’amour…