Retour en grâce
Mike Scott Bring ’em all in (1995, Chrysalis)
Au cours des années 1980, les Waterboys de l’Écossais Mike Scott proposaient un folk-rock lyrique et flamboyant, éclaboussé d’embruns tempétueux jaillis des flots de la musique celtique, au risque assumé de la grandiloquence. A son meilleur, le groupe sut faire souffler sur nos oreilles esbaudies de roboratives rafales, un orage d’émotions fortes livrées sans fard et avec un certain panache. A chevaucher bride abattue cette revendiquée “big music”, Mike Scott se ramassa quand même quelques gamelles et, à force d’embardées stylistiques plus ou moins heureuses, finit par épuiser sa monture (et plusieurs dizaines de musiciens au fil de l’aventure). Les Waterboys rendirent les armes en 1993 et l’Écossais dut alors trouver une autre voie.
Through the curtain the daylight crept / I looked at my lover as she slept / And as she turned to me I wept… / It was a wonderful disguise
Wonderful disguise
Scott décida de quitter New York – terre de fantasmes où il souhaitait se tenir au plus près de ses fantasmes musicaux (de Lou Reed à Patti Smith) – pour rentrer au pays. Lessivé par la fin de son groupe, désireux de remettre ses compteurs à zéro, le bonhomme s’en alla séjourner près d’un an dans une communauté spirituelle écossaise, la Findhorn Foundation. Dans cette atmosphère emplie de recueillement et de religiosité, il composa les chansons qui allaient constituer ce disque en forme de retour en grâce. La musique des Waterboys avait toujours été nourrie de spiritualité, affichant clairement une sorte de paganisme panthéiste exalté. Voir Mike Scott revenir touché par la lumière entrevue durant sa retraite mystique pouvait laisser redouter le pire, entre bondieuserie pontifiante et prêchi-prêcha lourdaud. Au final, le garçon évite avec brio les pièges qui le guettaient pour délivrer un album certes empreint de mysticisme mais surtout bardé d’humilité. Entre acoustique tremblée et électricité sobre, Mike Scott donne à entendre un disque bilan, et s’affiche en homme apaisé, jetant un regard plein de sagesse et de sérénité sur ses années passées.
I’ve tried to do things my own way / I’ve tried to do what people say / And I’m going nowhere fast / And I’m turning to you at last
What do you want me to do ?
L’album s’ouvre avec l’éponyme Bring ’em all in, tout d’acoustique vibrante, dont les références bibliques assumées peuvent sembler parfois naïves, mais jamais pénibles, et on a bien plutôt l’impression d’entendre un homme s’ouvrir que faire œuvre de prosélytisme. Scott se fend de superbes moments de grâce comme avec le magnifique What do you want me to do ? – joué à genoux et paumes ouvertes – ou bien encore le cristallin et mystérieux Wonderful disguise. Le bonhomme évite néanmoins de figer son disque dans une componction amidonnée, livrant par exemple l’enjoué I know she’s in the building ou l’entraînant boogie de piano-bar City full of ghosts, accessoirement bel hommage à Dublin. L’électricité modeste de Edinburgh castle sied ailleurs parfaitement à la célébration presque étonnée d’un retour au bercail. En fin d’album, Scott place une longue chanson en forme de bilan, la superbe et bien nommée Long way to the light, qui retrace sa trajectoire personnelle depuis l’odyssée Waterboys, et qui résume à merveille ce disque touchant, bercé d’une lumière douce et apaisante, le disque d’un homme qui semble, au moins pour un instant, avoir trouvé une forme digne de paix.
I spent the night in Glasgow / Flew to Inverness / I found the Place and at the first / I was not impressed / Nobody said hello / The faces left me cold / Back then how was I to know / All that would unfold
Long way to the light
L’intermède solo de Mike Scott ne durera finalement que cinq ans et trois albums. Il finira par redonner vie aux Waterboys en 2000 avec l’album Rock in the weary land et le groupe a depuis enchaîné six autres disques, dont je ne sais strictement rien, le dernier en date, Modern blues, étant paru en 2015. Je préfère – peut-être à tort – réécouter de temps à autre This is the sea (1985) ou Fisherman’s blues (1988).
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[…] confirme le très réussi « Complicated situation », qui me rappelle aussi le Mike Scott à nu de Bring ’em all in. Avec « Gospel song », le groupe revient à ses amours psychédéliques, plus près de […]