Galaxie 500 Today (1988, Rykodisc)
Je les avais presque oubliés les Galaxie 500 (honte à moi !). J’avais remisé sur une cassette rangée au fond d’une boîte à chaussures une poignée de titres glanés sur deux de leurs trois albums au temps de mes vingt ans et je n’y revenais guère. Et si les volutes de Blue thunder ou de When will you come home venaient de temps à autre envaper mon esprit, cela en restait là. C’est en préparant une playlist pour ce blog que j’ai pu redécouvrir leur fantastique Fourth of July et que l’envie m’est venue de me replonger dans la discographie complète des Bostoniens. Grand bien m’en a pris.
My temperature’s rising, my fingers are tingling / I’m starting to shake / I look in the mirror and everything’s funny / I think you’re a fake
Temperature’s rising
Amis depuis les bancs du lycée, Dean Wareham (guitare-chant), Damon Krukowski (batterie) et Naomi Yang (basse) commencent à jouer ensemble durant leur scolarité à l’université de Harvard (excusez du peu !). Les trois compères prennent le nom de Galaxie 500 en référence à un modèle de voiture de la marque Ford puis le groupe commence à tourner sur la scène de la côte Est, de Boston à New York. Il envoie une démo au patron du label Shimmy Disc, Mark Kramer, qui accepte de produire sa musique, d’abord deux singles puis ce premier album, Today.
I don’t wanna stay at your party / I don’t wanna talk with your friends / I don’t wanna vote for your president / I just wanna be your tugboat captain
Tugboat
Avec ce premier opus, Galaxie 500 pose les jalons d’un son et d’un style bien particuliers, dont l’influence se fera sentir sur nombre de groupes de rock indie (et pas seulement) au cours des décennies suivantes, de Low à la scène shoegaze britannique. Avec une formule ultra-classique guitare-basse-batterie, le trio de Boston parvient à créer quelque chose d’assez inédit, mariant le Velvet Underground cotonneux de Ocean à une sorte de psychédélisme opiacé (le groupe revendiquant notamment l’influence de Spacemen 3). Chaque chanson semble entourée d’un voile ouaté, d’un halo flou et fascinant, et il faut souligner ici le travail de production de Kramer. La force du groupe réside dans cette manière bien à lui d’agencer la matière sonore pour la faire se mouvoir avec lenteur et puissance. Galaxie 500 se révèle au final un exceptionnel groupe à guitares, dont on retrouve la force incendiaire, cette façon de faire « imploser » sa musique, aussi bien chez Low que sur le Mezzanine de Massive Attack ou dans les gerbes électriques qui jalonnent le parcours d’un Mark Kozelek. On pensera bien entendu également à Joy Division, que les Bostoniens ont repris, mais une version solaire de Joy Division, moins implacable et près de l’os. Le chant de Wareham fait aussi beaucoup dans la séduction du combo, ce filet de voix souvent au bord de l’étranglement, à la limite de la justesse, dont la mélancolie torpide et vénéneuse se révèle particulièrement hypnotique.
I need a walk by the flowers with someone who can share my face / Looks like nobody could take your place / And I could bleed in sympathy with you / On those days
Don’t let our youth go to waste
Les neuf morceaux de cet album forment en tous cas un ensemble assez remarquable et extrêmement cohérent. Si le disque débute assez doucement avec trois premiers titres agréables mais sans génie, la fièvre s’empare réellement du trio sur une formidable reprise de Jonathan Richman et ses Modern Lovers, Don’t let our youth go to waste, qui s’étire et irradie sur plus de six minutes d’une intensité digne du meilleur Yo La Tengo. Galaxie 500 se révèle par ailleurs à l’aise dans un registre plus pop avec le génial Oblivious ou la ballade en fusion Temperature’s rising qui porte son titre à merveille. Dans ce style de ballade à combustion lente, le groupe signe également le remarquable It’s getting late ou l’impeccable Tugboat qui vient clore l’album en laissant derrière lui comme une traînée de poudre étoilée.
Hiding in a parking lot and / Watching all the people fall to pieces / I don’ t mind, I think it’s fine
Parking lot
Deux autres albums tout aussi réussis (et même plus) confirmeront par la suite toute la valeur de Galaxie 500, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa séparation. Les trois membres du combo n’ont en tous cas jamais cessé d’être actifs, au sein de différents projets, de Luna à Damon & Naomi en passant par Dean & Britta. On signalera d’ailleurs l’excellent site Internet qui recense toute l’activité très riche des trois comparses : A head full of wishes.