L’orfèvre
Feist Metals (2011, Polydor)
Alors que vient de sortir son tout nouveau Pleasure (sur lequel je n’ai pour l’heure posé qu’une oreille distraite), je reviendrai ce soir après ces quelques jours de pause sur le formidable quatrième album studio de la Canadienne, ce Metals sauvage et beau paru il y a déjà six ans – mon Dieu, comme le temps passe !
When you comfort me / It doesn’t bring me comfort actually
Comfort me
Le triomphe planétaire de The reminder, porté par les lumineux My moon my man et 1234 ne fut pas facile à digérer pour cette ex-punkette de Feist, qui finit – comme beaucoup avant elle – par se sentir oppressée et passablement essorée par le poids d’un succès qui la dépassait. Résolue à échapper à ce piège doré, la jeune femme envoya résolument balader ce qui par trop la contraignait en prenant une année sabbatique, qui finalement se prolongea d’autant. Revigorée et de nouveau en phase avec ses aspirations et ses envies, Leslie Feist se remit à composer, toujours entourée de ses complices de toujours, Gonzales, Mocky ou Renaud Létang. Puis la belle équipe s’en alla enregistrer les chansons in fine rassemblées sur Metals au milieu des paysages reculés de la côte californienne de Big Sur, aux falaises battues par la houle. Même si cela peut paraître cliché, il semble évident – et Feist le reconnaitra volontiers – que cet environnement à la beauté indomptée, résonnant avec les tourments intimes de la jeune femme, contribua à définir les teintes mêlées d’ocre et de bleu prédominant sur ce disque somptueux.
I went up to the window / Lightning banging on the cymbals / I ripped into the night / Came storm into your eyes
How come you never go there
Sans aller jusqu’à parler de suicide commercial, la Canadienne se refuse ici à creuser le sillon pourtant lucratif de 1234 et se contenter de reproduire une formule déjà gagnante. Continuant de n’en faire qu’à sa tête et d’afficher une sublime liberté, Feist livre un disque d’une beauté âpre, baigné de vent et de poussière. Et alors que, sur ses albums précédents, elle papillonnait d’un genre à l’autre sans se fixer sur un seul, elle semble se recentrer davantage sur une musique organique et naturelle, souvent viscérale, allant chercher du côté du folk, du gospel et d’une pop sans collier. Feist apparaît ainsi plus grave sans cesser pour autant d’être aérienne, envoyant valser quelques carcans (le couplet-refrain sur bon nombre de morceaux par exemple) pour laisser cours à une expression à la fois brute et sophistiquée. Sur certains titres, elle semble ainsi chercher à retrouver quelque chose de la fraternité nue des tribus chantant autour du feu dans une nature hostile, et les chœurs qui viennent scander le martial A commotion ou ce Graveyard charbonneux paraissent monter du fond des âges. A d’autres moments, elle déploie au contraire de soyeux arrangements scintillant de mille éclats, comme sur un The circle married the line en apesanteur digne d’une Kate Bush ou sur le swing classieux de How come you never go there.
When a good man and an good woman / Can’t find the good in each other / Then a good man and a good woman / Will bring out the worst in the other
The bad in each other
L’album regorge de pépites et présente une première moitié à couper le souffle, entre la rugosité introductive de The bad in each other et la douce mélancolie de Bittersweet melodies. Parmi les hauts faits de ce disque qui n’en manque pas, impossible de passer sous silence le déchirant Caught a long wind, sur lequel le chant de Feist, piano, cordes et guitare vibrent dans une bouleversante unisson. La deuxième partie du LP culmine un peu moins haut, mais offre quand même avec Comfort me un ultime crescendo empli de joie inquiète. Au final, la Canadienne, en véritable orfèvre, mêle métaux bruts et précieux pour confectionner de somptueux alliages, des chansons emplies de joie et de désir fondues au feu d’un cœur brûlant. Je ne manquerai pas d’aller voir si le tout récent Pleasure confirme le coup de maître que représente à mes yeux ce Metals.
2 réponses
[…] fidèles lecteurs et lectrices savent déjà tout de mon amour immodéré pour Metals, quatrième album hors catégorie de la Canadienne Leslie Feist. « The circle married the […]
[…] ne le dira jamais assez mais Metals est un véritable chef-d’œuvre dont on ne se remet pas, un album à l’âpreté ocre qui […]