Libre comme l’air
Feist Let it die (2004, Polydor)
Née de parents frayant tous deux dans la scène artistique canadienne, la petite Leslie Feist s’oriente vers la musique dès l’adolescence. Elle intègre dès ses 15 ans un groupe punk dénommé Placebo (sans rapport avec l’autre) mais des problèmes de voix et des aspirations artistiques divergentes la conduisent à rapidement mettre fin à l’expérience. Ses soucis vocaux derrière elle, la demoiselle fait paraître un premier album solo en 1999, Monarch, passé complètement à l’écart des radars – y compris des miens. Les années suivantes, Feist multiplie les collaborations, jouant les partenaires de jeu de quelques fortes têtes, de Peaches à Gonzales en passant par Broken Social Scene. De ce parcours aventureux, Leslie Feist a sans doute gardé un sens aigu du contre-pied et un plaisir évident à piocher dans tous les pots musicaux passant à sa portée. Et c’est ce plaisir du jeu, cette liberté de ton, qui éclatent sur ce très réussi Let it die de 2004.
When I was a young girl / I used to seek pleasure / When I was a young girl / I used to drink ale / Out of the ale house / Down into the jailhouse / My body’s salvated and hell is my doom
When I was a young girl
Feist livre ici un album mosaïque, allant avec bonheur du folk à la pop, du piano-bar au R’n’B, le tout mâtiné de relents jazzy et de réminiscences des musicals américains. Bien entourée par le fidèle Gonzales et par Renaud Létang, la Canadienne exécute ces différentes figures de style avec élégance et intelligence et évite ainsi que ce patchwork ne ressemble à un indigeste gloubi-boulga. C’est cette libre pensée qui séduit ici, cet air de ne pas y toucher qui permet à Feist de mêler souplesse et profondeur dans un même mouvement.
It may be years until the day / My dreams will match up with my pay
Mushaboom
Let it die débute par une ballade folk-pop dénudée, grattée sur trois accords de guitare sèche, le très beau Gatekeeper. Puis, dès le deuxième morceau, Feist entre en lévitation avec le formidable Mushaboom, sorte de féérie volatile comme une bulle de savon, emportée vers les nuages par un piano printanier. C’est cette svelte grâce que l’on retrouve sur un One evening multicolore, orné de beaux habits soul et de quelques paillettes jazzy. Ces mêmes inspirations soufflent aussi sur le groovy Leisure suite et ce sont bien quelques effluves reggae qui viennent agiter la reprise du merveilleux Secret heart de son trop méconnu compatriote Ron Sexsmith. Feist semble aussi à l’aise en folkeuse racée narrant de sa voix éraillée une jeunesse tourmentée sur When I was a young girl que drapée dans les tentures luxueuses d’un cabaret de velours rouge sur les sublimes Amourissima et Now at last, deux bonus tracks hauts de gamme. Le goût et le don de Feist pour les reprises sont accrédités par sa superbe relecture de L’amour ne dure pas toujours de Françoise Hardy, petit précis à la pointe sèche des aléas du cœur et de l’amour.
Well they tried to stay in from the cold and wind / Making love and making their dinner / Only to find that the love that they grew in the summer / Froze
Gatekeeper
Let it die permettra à Feist d’obtenir un avant-goût du succès public, Mushaboom et One evening lui gagnant une certaine audience commerciale. Mais c’est bien avec son The reminder de 2007 que la jeune femme décrochera la timbale, réussite totale tant publique qu’artistique. Le quatrième album de Feist, Metals, est paru en 2011.
1 réponse
[…] déjà eu l’occasion ici de parler de Feist à propos de son précédent album, le joli Let it die, disque de pop-folk libre et subtil. Avec ce troisième opus paru en 2007, la Canadienne Leslie […]