L’aventurière
Björk Post (1995, One Little Indian / Polydor)
Après un Debut aussi réussi à tous points de vue, on aurait pu se demander comment Björk allait franchir la – souvent délicate – épreuve du deuxième album. On aurait néanmoins oublié un peu vite que la jeune femme était loin d’être une débutante, alignant derrière elle une bonne quinzaine d’années déjà à évoluer sous les feux de la rampe, seule ou accompagnée. On aurait surtout fait fi de la prodigieuse intelligence d’une artiste aussi exigeante et brillante que l’Islandaise.
It’s real early morning, no-one is awake / I’m back at my cliff, still throwing things off / I listen to the sounds they make on their way down / I follow with my eyes ’til they crash / Imagine what my body would sound like, slamming against those rocks / And when it lands will my eyes be closed or open ?
Hyperballad
Car c’est une Björk remontée comme un coucou et avide d’expériences qu’on retrouve sur cet épatant album. Fraîchement installée à Londres, l’Islandaise semble vouloir se faire le réceptacle de toute l’énergie de la capitale britannique et se plaît à colorier sa musique de toutes les teintes de l’arc-en-ciel. Un peu à la manière du Beck de l’époque, la jeune femme affiche un appétit féroce et une détermination aventureuse de tous les instants. Mais pour être une talentueuse électron libre, Björk a toujours compris que les voyages les plus excitants nécessitaient des compagnons de confiance. Accompagnée comme sur Debut de Nellee Hooper à la production, Björk fait également appel à d’autres collaborateurs précieux, de Tricky à Graham Massey en passant par Howie B. et Eumir Deodato qui se charge des (somptueux) arrangements de cordes. Et l’Islandaise ne se prive pas d’embrasser à pleine bouche tous les styles musicaux qui l’amusent ou la font vibrer, l’un n’allant souvent pas sans l’autre.
In a heart full of dust / Lives a creature called lust / It surprises and scares / Like me, like me
Isobel
Au fil de ces onze morceaux, Björk nous promène au gré de ses envies et des humeurs, le plus souvent pour un plaisir partagé. C’est ce plaisir qui nourrit ces chansons, lui et un permanent refus de la tiédeur qui emplissent cette musique d’une force expressive inouïe, balançant entre joies tonitruantes et vertigineuses crevasses. Rageuse et orageuse sur un Army of me aux relents indus qui met à terre les pleurnichards ou sur un Enjoy tout en âpreté rugueuse joliment parasité par les volutes soniques incommodes soufflées par Tricky, Björk se fait ailleurs bien plus caressante. Ce sera ainsi la grâce lumineuse de You’ve been flirting again ou l’intranquillité amoureuse de Possibly maybe. Sur It’s oh so quiet, Björk se glisse dans les habits d’une meneuse de revue de Broadway, mutine et excentrique puis se fait héroïne indomptable sur le merveilleux Isobel, rehaussé d’une partie de cordes à se damner arrangé par Deodato. On sait que l’Islandaise buvait comme du petit lait les manières de l’arrangeur et qu’elle en tirerait le maximum de profit sur le prodigieux Homogenic qui suivrait. Parmi les grands moments du disque, on ne saurait passer sous silence la joie presque douloureuse qui habite le génial Hyperballad ou la frénésie qui habite peu à peu I miss you, qui frotte une bordée de cuivres en chaleur à une électro débridée. Après un Cover me délicat, l’album se clôt sur un Headphones presque chuchoté, flottant comme une étrange anguille qu’on n’arrivera jamais à attraper.
Since we broke up / I’m using lipstick again / I’ll suck my tongue / In remembrance of you
Possibly maybe
Avec Post, Björk prenait sciemment le risque de la dispersion et si le disque vole un poil moins haut sur la distance que son prédécesseur, l’Islandaise continuait de démontrer ici qu’elle était capable de marier comme peu de ses contemporains le synthétique et l’organique et campait résolument dans le camp des exploratrices. Les cimes imprenables de Homogenic en feront l’éclatante et impensable démonstration.
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[…] de son troisième album, Björk sort de plusieurs mois pour le moins tourmentés. Le succès de Post n’a fait qu’affermir la renommée mondiale de l’Islandaise et la musicienne […]